Pour beaucoup de journalistes, le débat de jeudi soir
dernier entre les deux candidats de la droite
et du centre fut d’un haut niveau politique, d’une grande qualité, d’une
grande urbanité entre deux hommes d’Etat qui ont occupé les plus hautes
fonctions dans un passé récent.
On avait affaire d’après ces médias à une joute
homérique où les héros des deux camps représentaient un point de vue honorable,
savaient se respecter mutuellement, s’écouter. Et bien entendu ces deux hommes
sauront se retrouver ensuite, après la bataille, car ils sont d’accord sur
l’essentiel. Pour l’un comme l’autre, ce n’est qu’une affaire de méthode. L’un
plus brutal veut trancher dans le vif, l’autre plus consensuel veut rassembler
et convaincre.
Et c’est vrai ces deux hommes sont bien en accord sur
l’essentiel. Et sur l’essentiel, il n’y eut aucun débat ce soir là.
Mais comment se nomme cet essentiel, que recouvre-t-il
exactement ?
L’essentiel pour eux, c’est de dire que si la France
va mal, c’est à cause des salariés du public et du privé qui ne travaillent pas
assez et gagnent trop. Il faudra donc y remédier : faire travailler plus pour
gagner moins. Précariser le plus possible le contrat de travail, rendre souple
et fluide le marché du travail, supprimer le droit des salariés. Ubériser
l’économie. Les deux candidats disent qu’avec ces mesures, on retrouvera le
plein emploi, la croissance économique. On sait bien que c’est en licenciant,
en précarisant, en augmentant la durée du travail en allongeant l’âge de la
retraite jusqu'à 70 ans qu’on créé des emplois.
Le nombre de chômeurs actuels nous l’indique :
licencier pour créer des emplois est probablement le meilleur slogan que l’on
ait jamais trouvé et qui pourrait faire rire Raymond Devos, s’il ne se soldait
pas par une plus grande misère dans notre pays.
Pour ces deux hommes, l’essentiel est dire que l’Etat
est trop coûteux : les fonctionnaires furent alors ce soir là, la cause de
tous nos maux. La différence s’est située sur les chiffres : l’un dit
qu’il y a environ 250 000 fonctionnaires en trop, l’autre 500 000,
pourquoi pas un million. Où sont ces fonctionnaires ? Dans la police, à l’hôpital,
dans l’éducation nationale. Où ? Il faudra le dire.
L’essentiel pour eux c’est aussi la fiscalité trop
injuste envers les riches. Supprimer l’impôt sur la fortune, réduire les droits
de succession, diminuer les barèmes de l’impôt sur le revenu et augmenter la
TVA qui frappe tout le monde et rapporte gros. Chacun sait que c’est en
redonnant de l’argent à ceux qui en ont déjà que les plus pauvres
s’enrichiront.
Alors la France se trouve-t-elle en danger ?
Oui, une certaine idée de la France a totalement
disparu de la pensée politique : celle de la solidarité, de la
redistribution, d’une recherche de l’égalité. Celle de l’Etat garant de la
justice sociale.
La mise en place des réformes prévues par ces
candidats agrandira encore la fracture sociale entre ceux qui ont du
travail et ceux qui n’en ont pas, entre ceux qui peuvent se soigner et ceux qui
ne peuvent pas, entre ceux qui partent en vacances et ceux qui ne partent
jamais, entre ceux qui peuvent aller dans les grandes écoles et ceux qui en
sont exclus, etc, etc.
Il s’agit d’une tournant historique où les mots de
fraternité, égalité, justice deviennent des gros mots que plus personne n’ose
prononcer.
Je conseille simplement à ces deux candidats qui
revendiquent le fait d’être catholique, de relire attentivement les textes sur
la doctrine sociale de l’Eglise.
François Baudin
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