vendredi 23 janvier 2015

La prison, ombre du monde



A l’occasion de l’attentat contre Charlie et des morts de Vincennes, la France, surprise, a appris que certains détenus français ressortaient de prison beaucoup plus dangereux pour la société qu’ils n’y étaient entrés. A chaque fois la découverte de ce terrible constat semble déconcertante pour la plupart d’entre nous.
Victor Hugo, faisait déjà le même constat il y a 160 ans.
Les assassins de Charlie et de l’hyper Casher de Vincennes se sont radicalisés en prison. Ils en sont sortis plus menaçants.
Victor Hugo, dénonçait le fait que la prison au XIXe siècle était une façon de gérer la pauvreté qui sévissait dans les quartiers populaires des grandes villes. La prison est le meilleur moyen pour devenir un vrai criminel. Classe laborieuse, classe dangereuse. Classe miséreuse, classe dangereuse. Ce constat est toujours d’actualité aujourd’hui. Enfermez les pauvres, telle semble être la solution pour la plupart des hommes politiques de notre époque.

Dans son dernier rapport d’avril 2014, le Contrôleur général des prisons, Jean-Marie Delarue soulignait la surpopulation carcérale, les violences subies par les détenus mineurs, l'absence de progrès dans le respect du droit à une cellule individuelle, les conditions d’hygiène inhumaines et indignes de la France. Ce constat terrible qui mettait une fois de plus notre pays sur le banc des accusés en Europe.
Les prisons en France sont une honte pour l’humanité.
Par exemple en 2013, notre pays a été condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour « traitement dégradant », en raison des conditions de détention dans la maison d'arrêt de Nancy  fermée en 2009.

Pour le sociologue Didier Fassin, la prison, est l’« ombre du monde » et elle est « mode de gouvernement des inégalités ». En prison on enferme plus facilement les pauvres, ceux qui viennent des ghettos, des territoires d’exclusion. Les statistiques le prouvent. L’accroissement de la population carcérale s’explique par une plus grande sévérité des magistrats. La comparution immédiate suivie de peines d’enfermement devient une pratique courante et expéditive.
Les délits qui donnent lieu à de la prison ferme sont caractéristiques des milieux populaires : conduite sans permis, trafics divers, usages de stupéfiants, petites délinquances ; les condamnations pour usage de stupéfiant ont augmenté de trois fois et demie au cours de la dernière période alors que les affaires de nature financière sont de moins en moins traitées et sanctionnées.
On sait que lorsque la crise s’aggrave, lorsque les inégalités sociales frappent un pays, la population enfermée derrière les barreaux, notamment les jeunes, augmente. Il est prouvé statistiquement qu’a délits identiques, la justice aura tendance à condamner plus lourdement un jeune issu des quartiers populaire, qu’un autre venant des classes moyennes ou aisées.
La détention de drogue ou la conduite sans permis est répandue dans tous les milieux sociaux. On n’enferme pas facilement les fils de famille, mais on interpelle les jeunes des cités, explique Didier Fassin. La prison reproduit et renforce les injustices et les inégalités sociales.

Tant qu’on n’aura pas réfléchi à notre politique carcérale, tant qu’on n’aura pas défini la place qu’occupe la prison dans notre société, tant qu’on n’aura pas questionné la banalisation actuelle de l’enfermement, on ne pourra pas résoudre les maux dont souffre notre pays. Maux que le drame de l’attentat contre Charlie et l’attaque du super marché Casher de Vincennes illustre parfaitement.
La prison ne rend pas meilleurs les individus, au contraire. Ils en sortent plus dangereux qu’en y entrant.
Pourquoi alors insiste-t-on autant ces derniers jours pour y enfermer encore plus de jeunes ?
Pourquoi persiste-t-on autant dans l’erreur ?
Y a t il d’autres solutions que la prison ?
Telles sont les questions qui nous sont aussi posées en ce début 2015.


François Baudin

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