Une sorte de raz de marrée nous a
submergé lundi dernier au lendemain des élections européennes. Tous les titres
des journaux français et d’une partie des journaux étrangers, ont affiché en page Une le portrait de Marine Le Pen, visage
éclatant, bras ouverts, souriante et victorieuse. Son parti a gagné les
élections. Il est devenu en une journée le premier parti politique de France.
Un votant sur quatre, seul et enfermé
dans son isoloir, a choisi de glisser un bulletin du Front National dans l’enveloppe.
L’ensemble de la Presse a reproduit
le même titre ; Pas tous cependant car le journal La Croix n’a pas succombé à cette tentation. La Croix a imprimé sur sa page Une
le Pape François priant devant le mur qui enferme les Palestiniens dans la plus
grande prison du monde.
Il y avait de la part du journal
chrétien comme un défi face à l’actualité journalistique. Peut-être y avait-il une
volonté de ne pas crier avec les loups ?
On a expliqué à longueur de
colonnes les raisons qui ont produit le vote de dimanche dernier : la crise,
le chômage de masse, la misère, l’austérité, les promesse non tenues, l’injustice,
le sentiment d’être considéré comme quantité négligeable, les scandales à
répétition, les détournements d’argent public par les hommes politiques,..
toutes ces informations quotidiennes qui dès lundi ont poursuivi leur travail
de sape dans l’opinion.
Et parmi les candidats, Marine Le
Pen avec ses colistiers, est apparue au plus grand nombre comme la seule
capable de trouver les remèdes. Oui au plus grand nombre.
Mais nous avons tous appris que
le nombre ne fait pas la vérité. On sait même que la vérité peut être
minoritaire pendant longtemps avant d’apparaître comme évidente aux yeux de
tous.
La vérité n’a rien à voir avec le
nombre, elle peut même s’y opposer. L’histoire nous l’apprend chaque jour.
La vérité et même le droit et la
justice ne se trouvent pas dans la tyrannie du nombre ; elle n’est pas la
tyrannie de l’opinion, celle de la majorité à un instant donné.
La question de la démocratie dont
l’unique forme actuelle proposée se situe dans le système électoral majoritaire
nous est soudainement posée par le résultat de ce vote.
La même question traverse aussi
l’Ukraine dont la partie Est a voté massivement lors d’un référendum pour une
séparation d’avec Kiev et un rapprochement avec la Russie, alors que la partie
Ouest vient d’élire cette semaine un président qui souhaite un rapprochement
avec l’Europe. Cette situation issue des urnes nous mène droit vers la guerre
civile.
La même question se pose encore
cette semaine suite à l’élection annoncée du nouveau président égyptien Al-Sissi,
ancien bras droit de Moubarak qui fut pourtant chassé par les manifestants de
la Place Tahrir en 2011. N’oublions pas que la révolution égyptienne se solda
lors d’une première phase électorale par l’arrivée au pouvoir des Frères
musulmans qui n’étaient pourtant pas partie prenante dans ce qui a été nommé le
Printemps arabe.
La démocratie dans son sens
premier signifie le pouvoir du peuple. La question aujourd’hui
qu’il est légitime de se poser est bien celle du système électoral proposé dans
le monde entier. Est-il à même de garantir au peuple la liberté, la justice, la
paix ?
Ce système n’est-il pas en
définitive le signe d’une démocratie de basse intensité qui de fait nous
empêche de penser ?
Ne faudrait-il pas démocratiser
la démocratie ? La renforcer par une plus grande participation des
citoyens aux décisions. Une forme nouvelle de démocratie reste à inventer. Tel
est bien le défi actuel qui est posé au monde entier.
François Baudin
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