Pourquoi lorsqu’il s’agit d’un noir ou d’un arabe insulté et molesté dans
le métro, la France n’entre-t-elle pas dans une de ses crises d’hystérie
collective dont elle a le secret ? Crise déclenchée et favorisée par les
médias répétant matin midi et soir qu’un danger vital guette une partie de nos
concitoyens. Pourquoi cette relative indifférence médiatique à la souffrance
d’un père de famille d’origine africaine ou maghrébine, qui rentre
tranquillement du travail et à qui on a refusé violement de pénétrer dans une
rame de métro à cause de son origine, à cause de la couleur de sa peau ?
Banalité du racisme ordinaire qui émeut peu de monde. Banalisation
tellement partagée par tous que la victime du métro n’a même pas parlé de sa mésaventure.
« Je suis rentré chez moi sans rien dire de
cette histoire, ni à ma femme ni à mes enfants. Vous êtes la première personne
à qui j'en parle, a-t-il dit au journaliste venu l’interviewer. Et puis, que
dire à mes enfants ? Que papa s'est fait bousculer dans le métro parce qu'il
est noir ? Cela ne sert à rien.»
Pourquoi dans la même semaine, à l’occasion d’un acte antisémite dans un
cimetière du Bas Rhin, est-il répété en boucle et sur toutes les ondes, sur
toutes les chaînes de télévision que le risque de l’antisémitisme est revenu
dans notre pays alors qu’il est évident que ces actes antisémites sont rares,
qu’ils ne touchent qu’une infime partie de notre population.
Il ne s’agit pas de les minimiser, car un seul acte antisémite serait déjà
un acte de trop. Mais pourquoi ce sentiment d’insécurité est-il à ce point
exacerbé ?
Pourquoi aussi cet amalgame entretenu en France et en Europe entre l’antisémitisme
qui est une forme de racisme, et l’antisionisme qui est une prise de position
politique contre Israël ? Rappelons qu’en France, il y a beaucoup de juifs
antisionistes et qui bien entendu ne sont pas antisémites. Favoriser la
confusion entre antisémitisme et antisionisme est une façon d’empêcher toute
critique politique contre Israël.
D’un côté, on minimise, on ignore même une réalité qui est celle du racisme
lorsqu’il touche arabes et noirs, et de l’autre on parle de l’antisémitisme partout,
plusieurs jours durant. A propos de l’antisémitisme, on diffuse des émissions
spéciales, on invite des experts, on brouille les pistes en amalgamant
antisémitisme et antisionisme ; et les plus hautes autorités de l’Etat se
déplacent sur les lieux des crimes. Le président de la République François
Hollande a fait le déplacement jusqu’au cimetière profané de Sarre-Union, après
la visite du ministre de l’Intérieur la veille ou l’avant-veille dans le même
cimetière. A-t-il reçu le jeune père de famille d’origine africaine molesté et
insulté ?
A propos de l’antisémitisme, on publie des Unes dans tous les journaux, on
constitue des dossiers de presse comme cette semaine dans la Croix qui consacre trois grandes pages à la question et rien sur
l’acte raciste du métro qui a eu lieu deux jours après.
Cette différence de traitement est tellement énorme, que personne, aucun
responsable médiatique ou politique aujourd’hui n’en a conscience, aucune
autorité n’y prête attention.
Et on a l’impression que c’est en toute bonne foi, aux yeux de ceux qui
gouvernent le pays qu’un acte antisémite a plus d’importance qu’un acte de racisme
ordinaire contre un noir ou un arabe. Cette façon discriminante et tout compte
fait raciste de traiter la question du racisme en France est éminemment
destructrice du lien social, car il ne peut y avoir de discrimination dans le
malheur. Un homme vaut un autre homme. Le racisme doit être combattu quelle que
soit la victime. Il ne peut y avoir de concurrence et de hiérarchie victimaire.
Continuer dans cette voie du deux poids deux mesures aura des conséquences
terribles pour notre pays, dont les enfants doivent tous être considérés d’une
même façon. Rien de pire dans un pays lorsqu’une partie de ses enfants se
considère comme moins aimée. Un acte symbolique fort de la part des autorités
est nécessaire sur cette question.
François Baudin
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