vendredi 20 février 2015

Banalité du racisme ordinaire



Pourquoi lorsqu’il s’agit d’un noir ou d’un arabe insulté et molesté dans le métro, la France n’entre-t-elle pas dans une de ses crises d’hystérie collective dont elle a le secret ? Crise déclenchée et favorisée par les médias répétant matin midi et soir qu’un danger vital guette une partie de nos concitoyens. Pourquoi cette relative indifférence médiatique à la souffrance d’un père de famille d’origine africaine ou maghrébine, qui rentre tranquillement du travail et à qui on a refusé violement de pénétrer dans une rame de métro à cause de son origine, à cause de la couleur de sa peau ?
Banalité du racisme ordinaire qui émeut peu de monde. Banalisation tellement partagée par tous que la victime du métro n’a même pas parlé de sa mésaventure. « Je suis rentré chez moi sans rien dire de cette histoire, ni à ma femme ni à mes enfants. Vous êtes la première personne à qui j'en parle, a-t-il dit au journaliste venu l’interviewer. Et puis, que dire à mes enfants ? Que papa s'est fait bousculer dans le métro parce qu'il est noir ? Cela ne sert à rien.»

Pourquoi dans la même semaine, à l’occasion d’un acte antisémite dans un cimetière du Bas Rhin, est-il répété en boucle et sur toutes les ondes, sur toutes les chaînes de télévision que le risque de l’antisémitisme est revenu dans notre pays alors qu’il est évident que ces actes antisémites sont rares, qu’ils ne touchent qu’une infime partie de notre population.
Il ne s’agit pas de les minimiser, car un seul acte antisémite serait déjà un acte de trop. Mais pourquoi ce sentiment d’insécurité est-il à ce point exacerbé ?
Pourquoi aussi cet amalgame entretenu en France et en Europe entre l’antisémitisme qui est une forme de racisme, et l’antisionisme qui est une prise de position politique contre Israël ? Rappelons qu’en France, il y a beaucoup de juifs antisionistes et qui bien entendu ne sont pas antisémites. Favoriser la confusion entre antisémitisme et antisionisme est une façon d’empêcher toute critique politique contre Israël.

D’un côté, on minimise, on ignore même une réalité qui est celle du racisme lorsqu’il touche arabes et noirs, et de l’autre on parle de l’antisémitisme partout, plusieurs jours durant. A propos de l’antisémitisme, on diffuse des émissions spéciales, on invite des experts, on brouille les pistes en amalgamant antisémitisme et antisionisme ; et les plus hautes autorités de l’Etat se déplacent sur les lieux des crimes. Le président de la République François Hollande a fait le déplacement jusqu’au cimetière profané de Sarre-Union, après la visite du ministre de l’Intérieur la veille ou l’avant-veille dans le même cimetière. A-t-il reçu le jeune père de famille d’origine africaine molesté et insulté ?

A propos de l’antisémitisme, on publie des Unes dans tous les journaux, on constitue des dossiers de presse comme cette semaine dans la Croix qui consacre trois grandes pages à la question et rien sur l’acte raciste du métro qui a eu lieu deux jours après.

Cette différence de traitement est tellement énorme, que personne, aucun responsable médiatique ou politique aujourd’hui n’en a conscience, aucune autorité n’y prête attention.
Et on a l’impression que c’est en toute bonne foi, aux yeux de ceux qui gouvernent le pays qu’un acte antisémite a plus d’importance qu’un acte de racisme ordinaire contre un noir ou un arabe. Cette façon discriminante et tout compte fait raciste de traiter la question du racisme en France est éminemment destructrice du lien social, car il ne peut y avoir de discrimination dans le malheur. Un homme vaut un autre homme. Le racisme doit être combattu quelle que soit la victime. Il ne peut y avoir de concurrence et de hiérarchie victimaire. Continuer dans cette voie du deux poids deux mesures aura des conséquences terribles pour notre pays, dont les enfants doivent tous être considérés d’une même façon. Rien de pire dans un pays lorsqu’une partie de ses enfants se considère comme moins aimée. Un acte symbolique fort de la part des autorités est nécessaire sur cette question.

François Baudin


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