vendredi 6 novembre 2015

Le poison identitaire


Je me souviens, dans les années 60 et 70, lorsque nous rencontrions un homme ou une femme, nous ne lui demandions pas, avant même d’entamer un échange avec lui, de quelle religion, de quelle origine, de quel pays, de quelle nation, de quelle chapelle, de quelle famille il était. Seule la qualité d’homme devait suffire pour échanger avec lui.
Notre simple désir était de rencontrer, de connaître son semblable. Nous placions alors, avant tout autre chose, le fait que la personne que nous avions en face de nous, était d’abord et en premier lieu, le même que nous, un être humain. La catastrophe du nationalisme que nos parents avaient vécue en Europe était encore dans toutes les mémoires et il fallait bâtir au-delà des frontières, un autre monde possible. Par exemple en France, l’idée européenne devait guider nos actions. L’idée internationaliste devait l’emporter sur la division, la séparation, et la concurrence de tous contre tous.

Cette manière de voir l’autre comme son semblable se concrétisait de manière pratique par une ouverture fondée sur le sentiment d’appartenir à un même ensemble qui constitue l’humanité.
Parmi les jeunes de l’époque, une soif de découverte, de possibilités infinies de rencontres, de voyages, de mobilité devait déboucher pour la génération de l’après Seconde guerre mondiale, vers un monde réconcilié. Dominait alors parmi les plus nombreux, le sentiment d’appartenir à un même monde qu’il nous fallait bâtir ensemble.

Puis l’idéologie de la différence fut exacerbée; mise en avant lors de la décennie suivante, par quelques penseurs qui avaient le vent en poupe. Et cette tendance a abouti naturellement 20 ans plus tard à un repli identitaire de chacun sur sa propre personne, son égoïsme, sa nationalité, sa religion, son origine géographique ou ethnique.
Du droit à la différence nous sommes passés lentement vers la différence des droits, jetant aux orties deux siècles de lent progrès vers l’universalisme.
Cette tendance historique nouvelle qui débuta dans les années 80, est devenue alors un vrai malheur pour l’humanité.
Le poison identitaire a fait son œuvre. Chacun est devenu son propre ennemi en cherchant à tout prix à s’enfermer dans une identité que le plus souvent on lui avait assignée de l’extérieur.
Avant d’être un homme, tu seras un musulman, tu seras un juif, tu seras de telle ou telle nationalité, de telle religion : tels sont aujourd’hui les mots d’ordre qu’on répète en permanence.
Le poison identitaire devient alors une véritable peste pour nous tous.
Oubliant que la longue histoire de l’humanité qui débute dès le paléolithique, donc il y a plus de 10000 ans, celle qui tend vers le bien et le progrès, est celle de l’immigration, de la mixité et du métissage. La pureté d’une nation, la pureté d’une race ou d’une ethnie, est une chimère inventée, une idéologie néfaste, une manière de dominer sur l’autre, de le rendre esclave. Elle se solde dans plupart des cas par la volonté de contraindre par la force chaque individu à son propre modèle, en définitive à ses propres intérêts. Elle est un chemin direct qui nous conduit à la disparition, à la mort.

Chaque individu a besoin pour vivre d’une identité reconnue, tout d’abord par lui-même. Mais celle-ci n’est jamais figée, elle se construit peu à peu et de manière infinie dans l’échange, la rencontre, l’interaction avec le monde. Elle est donc avant tout une ouverture.
Cette réalité évidente de la construction humaine semble être aujourd’hui oubliée et même niée. Si on pense que cette identité est un repli sur soi, une fermeture, un refus de l’autre, de l’échange, de l’interaction, une protection fondée sur la peur, alors très vite l’avenir de l’homme est en danger.
L’espoir d’une prise de conscience universelle doit rester gravé dans le cœur de chacun. La famille humaine ne doit pas revivre les heures sombres qu’elle connut par le passé.


François Baudin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire