Je me
souviens, dans les années 60 et 70, lorsque nous rencontrions un homme ou une
femme, nous ne lui demandions pas, avant même d’entamer un échange avec lui, de
quelle religion, de quelle origine, de quel pays, de quelle nation, de quelle
chapelle, de quelle famille il était. Seule la qualité d’homme devait suffire
pour échanger avec lui.
Notre
simple désir était de rencontrer, de connaître son semblable. Nous placions
alors, avant tout autre chose, le fait que la personne que nous avions en face
de nous, était d’abord et en premier lieu, le même que nous, un être humain. La
catastrophe du nationalisme que nos parents avaient vécue en Europe était
encore dans toutes les mémoires et il fallait bâtir au-delà des frontières, un
autre monde possible. Par exemple en France, l’idée européenne devait guider
nos actions. L’idée internationaliste devait l’emporter sur la division, la
séparation, et la concurrence de tous contre tous.
Cette
manière de voir l’autre comme son semblable se concrétisait de manière pratique
par une ouverture fondée sur le sentiment d’appartenir à un même ensemble qui
constitue l’humanité.
Parmi
les jeunes de l’époque, une soif de découverte, de possibilités infinies de
rencontres, de voyages, de mobilité devait déboucher pour la génération de l’après
Seconde guerre mondiale, vers un monde réconcilié. Dominait alors parmi les
plus nombreux, le sentiment d’appartenir à un même monde qu’il nous fallait
bâtir ensemble.
Puis
l’idéologie de la différence fut exacerbée; mise en avant lors de la décennie
suivante, par quelques penseurs qui avaient le vent en poupe. Et cette tendance
a abouti naturellement 20 ans plus tard à un repli identitaire de chacun sur sa
propre personne, son égoïsme, sa nationalité, sa religion, son origine
géographique ou ethnique.
Du
droit à la différence nous sommes passés lentement vers la différence des
droits, jetant aux orties deux siècles de lent progrès vers l’universalisme.
Cette
tendance historique nouvelle qui débuta dans les années 80, est devenue alors
un vrai malheur pour l’humanité.
Le
poison identitaire a fait son œuvre. Chacun est devenu son propre ennemi en
cherchant à tout prix à s’enfermer dans une identité que le plus souvent on lui
avait assignée de l’extérieur.
Avant
d’être un homme, tu seras un musulman, tu seras un juif, tu seras de telle ou
telle nationalité, de telle religion : tels sont aujourd’hui les mots d’ordre
qu’on répète en permanence.
Le
poison identitaire devient alors une véritable peste pour nous tous.
Oubliant que la longue histoire de l’humanité qui débute dès
le paléolithique, donc il y a plus de 10000 ans, celle qui tend vers le bien et
le progrès, est celle de l’immigration, de la mixité et du métissage. La pureté
d’une nation, la pureté d’une race ou d’une ethnie, est une chimère inventée, une
idéologie néfaste, une manière de dominer sur l’autre, de le rendre esclave. Elle se solde dans plupart
des cas par la volonté de contraindre par la force chaque individu à son propre
modèle, en définitive à ses propres intérêts. Elle est un chemin direct qui
nous conduit à la disparition, à la mort.
Chaque
individu a besoin pour vivre d’une identité reconnue, tout d’abord par lui-même.
Mais celle-ci n’est jamais figée, elle se construit peu à peu et de manière infinie
dans l’échange, la rencontre, l’interaction avec le monde. Elle est donc avant
tout une ouverture.
Cette
réalité évidente de la construction humaine semble être aujourd’hui oubliée et
même niée. Si on pense que cette identité est un repli sur soi, une fermeture,
un refus de l’autre, de l’échange, de l’interaction, une protection fondée sur
la peur, alors très vite l’avenir de l’homme est en danger.
L’espoir
d’une prise de conscience universelle doit rester gravé dans le cœur de chacun.
La famille humaine ne doit pas revivre les heures sombres qu’elle connut par le
passé.
François
Baudin
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