Crise de La démocratie
Il
n’y a pas une journée sans que le mot de
crise ne soit prononcé.
Crise
économique, crise sociale, crise des valeurs, crise éthique, crise politique,
crise morale et aussi crise de la démocratie. Aujourd’hui je parlerai de la
crise de la démocratie. Cependant, on peut dire qu’un grand nombre de nos
difficultés trouvent leur source dans la situation économique mondialisée. Je
rappelle par exemple qu’en 2014, Bill Gates a dit que l’emploi d’ici une
vingtaine d’années va devenir exceptionnel.
Aujourd’hui,
le sujet n’est pas économique, mais politique. Il est celui de la démocratie.
Le
mot crise, répété à longueur d’articles, est dans tous les esprits.
Ce
mot de crise correspond à une réalité
mondiale pour un très grand nombre d’habitants. Il signifie pauvreté, mort
certaine, exclusion, rejet, sentiment d’abandon. Sentiment de n’être rien dans
le monde, d’être considéré comme quantité négligeable. Ce sentiment correspond
à une réalité économique, puisque d’une manière générale, le monde tourne et se
développe sans avoir besoin de l’existence de milliards d’être humains.
En
Europe comme aux Etats-Unis, partout, des territoires entiers sont abandonnés. :dans
les banlieues des grandes villes, dans certains quartiers des grandes métropoles,
dans de vastes zones rurales où les services publics disparaissent laissant là
des populations désorientées et en proie aux pires criminalités, à la pire
démagogie et au nihilisme. Dans les grandes périphéries du monde où toute forme
étatique disparaît.
En
dehors de l’Europe, des Etats entiers ont disparu et des populations sont la
proie de mafias locales, de bandes armées qui instrumentalisent une religion
pour commettre leurs trafics et leurs crimes.
Si
on observe ce qui se passe, on s’aperçoit très vite que cette crise qui en
France touche géographiquement des territoires comme les banlieues et de grandes
zones rurales, on s’aperçoit aussi que la crise n’est pas partagée par tous,
car un peu partout dans le monde et notamment en France, la crise, qu’elle soit
économique, politique ou sociale semble profiter objectivement à une minorité
de privilégiés, de plus en plus minoritaire d’ailleurs et de plus en plus
privilégiés, qui domine le monde, s’enrichit encore et toujours, et vit en
définitive des jours heureux. Actuellement dans le monde 67 personnes possèdent
autant de richesses que trois milliards et demi d’êtres humains. Le patrimoine
des 1% les plus riches dépasse celui des 99 % restants.
Le
système démocratique en vigueur dans nos pays occidentaux n’est-il pas là pour
que cette minorité poursuive sa domination sur le monde ?
S’il
y a crise, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle touche plus certains que
d’autres. La question que l’on se pose alors est celle de la démocratie dont un
des objectifs serait de maintenir, voire de développer cette tendance
monstrueuse vers l’inégalité. Une des missions de la démocratie ne serait-elle
pas alors de gérer au mieux ce système qui produit en permanence des crises,
des laissés-pour-compte, des inégalités, des abandons ? Et aussi bien sûr
des richesses.
En
France depuis les tueries de Charlie Hebdo et de la porte de Vincennes début
janvier, ce constat est encore plus évident : une période de doute, de
questionnement s’est ouverte cet hiver 2015.
A
la fin de cette terrible année 2015, le constat ne peut plus être
contesté : quelque chose ne va plus. L’histoire est comme sortie de ses
gonds.
L’unanimisme
du slogan « Je suis Charlie »
que beaucoup de nos concitoyens ont partagé cet hiver, tout comme d’ailleurs le
récent front républicain contre le Front national lors des dernières élections
régionales de décembre 2015, sont de même nature. Ne recouvrent-t-ils pas tel
un nappage, cette énorme béance au sein du peuple, ce que d’autres avaient
appelé la fracture sociale qui se développe comme jamais sous le système
démocratique tel qu’il est mis en oeuvre ?
Le
doute s’est emparé des esprits.
Car
si beaucoup se sont reconnus dans ce slogan somme toute ambigu « Je suis Charlie », beaucoup
d’autres, très nombreux et qui ne sont pas des terroristes, ne s’y sont pas
reconnus et ne pouvaient pas s’y reconnaître. Je dirai pourquoi tout à l’heure.
D’une
même façon beaucoup ont voté le 13 décembre dernier pour le front républicain
en faisant barrage au Front national, et donc en votant parfois pour des
candidats dont les thèses sont très proches de celle de l’extrême droite
fasciste, si proche même qu’ils pourront devenir s’il le faut des alliés de
l’extrême droite ; il ne faut pas oublier qu’au niveau des idées, à peine une
feuille de papier sépare parfois un candidat qualifié de républicain de droite,
d’un candidat Front national.
Cette
victoire récente du front républicain ne cache-t-elle pas, la même fracture
entre une masse grandissante de pauvres et d’exclus, et la classe moyenne
encore majoritaire, mais elle aussi fragilisée à terme et donc en danger de
disparition, de déclassement ?
Pourquoi
une partie de nos concitoyens ne peuvent-ils pas se reconnaître dans la
victoire du front républicain, comme ils ne pouvaient pas se reconnaître dans
le slogan unificateur « je suis Charlie » ?
Oui
pourquoi ?
Parce
que la démocratie, la République, qui voulait se rassembler lors des
manifestations du 11 janvier, qui voulait donc rassembler ses enfants, avait
depuis longtemps exclu une partie de ses enfants, les avaient ignorés, les
avaient stigmatisés, les avaient déjà ghetoisés depuis longtemps. Ce
rassemblement du 11 janvier est apparu à certains comme une manoeuvre orchestrée
par une oligarchie restreinte, très restreinte, qui n’est motivée que par le
maintien de sa domination fondée sur l’exclusion.
Rarement
en France, le pouvoir en place appelle à manifester comme il l’a fait en
janvier 2015 à Paris et dans toutes les villes de France.
Les
plus grands dirigeants de la planète, dont beaucoup de dictateurs qui n’ont que
faire de la liberté d’expression, de l’égalité et de la fraternité, ont répondu
à l’appel du gouvernement français et sont venus battre le pavé dans les rues
de Paris pour « sauver » les valeurs démocratiques qu’on disait être mises
en danger par les tueries de janvier.
Le
même type de scénario s’est reproduit après les tueries du 13 novembre, que la
victoire du Front républicain est venue couronnée.
Comment
accepter une démocratie, une République qui exclut une partie de ses
enfants ? Enfants qui habitent au fin fond d’une région rurale désertifiée
et sont pour la plupart ce qu’on appelle des « Français de souche »
ou qui habitent dans une ancienne cité ouvrière laissée à l’abandon comme il y
en a beaucoup en Lorraine, dans un quartier d’une périphérie urbaine mise au
ban de la société.
Si
on fait une analyse sociologique des manifestants du 11 janvier, comme des
votants républicains du scrutin régional de décembre 2015, il y manquait
justement le monde rural et ses abandonnés, les petites villes désertifiées,
les périphéries, il y manquait les banlieues, les anciennes cités ouvrières abonnées
au chômage. Il y manquait le peuple, au moins une partie du peuple de France.
La
France, la République et ses principes, la laïcité et aussi la démocratie,
toutes ces évidences se fissurent et ces fissures viennent détruire notre socle
démocratique.
Nous
ne parlerons pas de laïcité, ni des valeurs républicaines. Mais nous parlerons
de la démocratie telle que les pays occidentaux la pratique depuis plus d’un
siècle.
Qu’est
ce que cela veut dire ?
Le
système démocratique que nous connaissons, dans lequel nous vivons depuis des
décennies, notre système fondé sur l’élection de nos représentants, sur le
suffrage universel, semble ne plus répondre aux questions qui sont devant nous.
La
démocratie au sens premier du terme c’est la capacité des hommes à s’organiser
pour vivre ensemble. La démocratie c’est le gouvernement du peuple, par le
peuple et pour le peuple.
Aujourd’hui
il apparaît clairement que ce système est là pour reproduire une oligarchie,
une « élite » qui en réalité n’a que faire du peuple.
Le
système démocratique avec ses rites électoraux, n’est-il pas en définitive le
paravent d’une totale vassalisation de la politique par une oligarchie ?
C’est
la question.
Ma
première expérience politique a été mai 68. En mai 68, des millions de Français
et d’immigrés ont occupé les usines, les bureaux, sont descendus
quotidiennement dans les rues, se sont unis avec les étudiants.
Cette
première expérience politique, d’une telle intensité, vous ne pouvez pas
l’oublier, elle vous marque pour une vie entière.
Partout
en 68, jusqu’aux endroits les plus reculés du pays, les habitants se sont
rassemblés, ont discuté, rêvant d’un autre monde possible.
Un
tel évènement n’avait pas eu lieu depuis bien longtemps. On se rappelait les
grandes heures de l’histoire : la libération de la France en 1944, les
grèves de 1936, la Commune de Paris en 1871, et la période révolutionnaire de 1789,
et surtout à partir de 1793.
Face
à la contestation globale de la société, le pouvoir gaulliste en place a
dissous l’Assemblée nationale et appelé à de nouvelles élections.
Ainsi
les premières affiches que j’ai collées sur les murs dénonçaient cette manipulation
pseudo démocratique. Les manifestants de mai scandaient: « Election
piège à cons ».
Comment
voulez vous qu’une élection non préparée, rapidement mise en place, puisse
résumer ce qui s’était passé en mai ? Comment voulez-vous que des élections
hâtivement programmées puissent répondre à l’espoir porté par les évènements de
mai ? On voulait réduire mai 1968 à un rite électoral.
Et
bien entendu le pouvoir en place a été reconduit par une majorité écrasante de
votants. De Gaule avait dit un jour « Les Français sont des veaux ».
Et des veaux ça doit voter. Jamais le parti gaulliste n’a recueilli autant de
voix qu’aux élections de juin 68.
L’élection
au suffrage universel en juin 1968 a été une formidable manipulation pour
étouffer ce qu’avait été mai 1968. Pour recouvrir l’espoir qu’avait été mai
1968.
Dernièrement
la même opération de recouvrement, de nappage, s’est passée en Egypte qui a
vécu à partir du 25 janvier 2011 et pendant des semaines, un extraordinaire
mouvement populaire contre la dictature du Président Moubarak. La convocation à
des élections soutenues de manière pressante par les Etats-Unis et si
rapidement mises en œuvre et donc impréparées, n’a rien changé à la situation
égyptienne. C’était même le but presque avoué de ces élections : faire
qu’en définitive rien ne change.
Les
choses étaient quasiment écrites par avance en Egypte : ces élections
donneraient le pouvoir aux Frères musulmans absents de la place Tahrir, absents
de la révolution démocratique égyptienne. Les Frères musulmans installés au
pouvoir par les élections ont été chassés ensuite par cette même place Tahrir,
pour redonner en définitive le pouvoir aux militaires du général Al Sissi, ancien
compagnon de Moubarak. La révolution égyptienne est devenue une révolution de
type galiléen : un retour à la situation initiale.
Quelle
leçon tirer de ces deux évènements historiques (Mai 68 et printemps égyptien
qui, je l’espère, n’est pas terminé) ? : Que les élections qui
s’appuient sur le principe majoritaire ne détient pas la vérité. La majorité,
le nombre n’a jamais fait la vérité, ni la justice.
La
plupart des dictatures fascistes sont arrivées au pouvoir grâce aux élections
et ont été reconduites ensuite massivement par des élections au suffrage
universel.
Aucun droit fondamental n’a jamais été acquis suite à des
élections, ou très peu, dans l’Histoire. Mais tous les droits, ou presque, et
parmi les plus importants, comme le suffrage universel et le droit de vote, n’ont
été obtenus que grâce à la mobilisation et à l’action des hommes et des femmes
qui nous ont précédé.
Nos droits fondamentaux ont été obtenus grâce à nos propres
mobilisations. Ils n'ont jamais été octroyés suite à des élections qui le plus
souvent n'ont fait qu'acter ce qui avait été obtenu auparavant de haute lutte.
(le droit à l'avortement, le suffrage universel, les congés payés, les droits
de l'homme en août 1789, l'égalité homme /femme, le droit de grève, la liberté
de la presse, la sécurité sociale, etc., etc.)
La
vérité, la justice, l’aspiration démocratique sont souvent, même très souvent,
un fait minoritaire au départ. L’obtention de droits nouveaux est le plus
souvent le résultat de mobilisation minoritaire au départ. Si les Français
avaient pu voter en septembre ou octobre 1940 et peut-être même jusqu’en juin
1944, ils auraient probablement voté en grande majorité pour le maréchal
Pétain. Les résistants français étaient minoritaires et pourtant c’est eux qui
portaient l’histoire. Et c’est grâce à leur lutte que les droits démocratiques
ont été rétablis.
Est-ce
à dire que la démocratie doit être rejetée comme principe de
gouvernement ?
Non,
bien entendu. Et même nous devons défendre, promouvoir la démocratie, comme
seul système possible, démocratie fraternelle et pacifiée. Et la plupart des
contestations sont démocratiques.
Les
Résistants français pendant l’Occupation, les manifestants de la place Tahrir,
les manifestants de Mai 68, les « indignés » qui occupèrent les
places à New York ou Madrid en 2011 et 2012 et qui dénonçaient la finance
internationale, étaient et sont toujours animés par un idéal démocratique.
Mais
la démocratie ne se résume pas à l’élection, même lorsque cette élection est au
suffrage universel.
Il
existe d’autres formes de démocraties qui viennent préparer, compléter et
parfaire l’élection. Si les manifestants, les « indignés », les
contestataires descendent dans les rues, c’est parce qu’il veulent plus de
démocratie et estiment qu’ils vivent dans une démocratie de très basse
intensité.
Mais
faut-il pour autant rejeter la démocratie représentative ?
Non
plus.
Pourtant
la démocratie représentative est en crise.
Pourquoi ?
Parce
que le lien de confiance entre les représentants et le peuple, s’il a pu
exister à certaines époques, est largement rompu actuellement.
Cette
rupture se manifeste par le taux élevé d’abstention, 50% et plus, taux d’abstention
qui touche toutes les démocraties occidentales et principalement la jeunesse ;
cette rupture se manifeste aussi par l’augmentation du vote d’extrême droite et
par la tentation fasciste dans tous les pays d’Europe, vote qui met en danger la
démocratie. Ce vote fasciste est populaire, il touche, bien sûr pas uniquement
mais principalement les couches populaires abandonnées dont j’ai parlé au
début.
On
peut lister les raisons, les causes qui font que ce lien de confiance entre le
peuple et ses représentants, ou entre les peuples et les nations démocratiques
n’existe plus : (cette liste n’est pas exhaustive).
J’ai
retenu 10 causes qui contribuent à rompre le lien de confiance entre le peuple
et ses représentants.
-
1 Les politiques
répondent rarement aux véritables besoins des populations. J’en ai parlé dès le
début de cette intervention.
-
2 La plupart des
promesses électorales ne sont pas tenues. Un homme politique de premier plan
(Jacques Chirac pour le nommer) a même été jusqu’à dire qu’une promesse
électorale était faite pour ne pas être tenue. Qu’elle n’engageait que celui
qui l’écoute.
-
3 L’impuissance
actuelle et avouée du politique, à résoudre les difficultés rencontrées,
notamment les difficultés économiques ; le fait de répéter sans cesse
qu’on ne peut pas faire grand-chose, que les réalités sont là et qu’il faut en
tenir compte : tout cela donne l’impression ou plutôt confirme le fait que
les politiques ne sont là que pour gérer au mieux un système qui se perpétue. Quand
un homme politique, un élu, explique qu’il y a des réalités et qu’il ne peut
pas faire grand-chose face à ces réalités, n’avoue-t-il pas son impuissance due
à sa non volonté politique ? Et finalement avoue son accord sur
l’essentiel. En justifiant la réalité actuelle, il justifie la situation. Les
élus deviennent alors de simples opérateurs de gestion. D’ailleurs le mot
nouveau de gouvernance l’indique
bien. Eliminons ce concept de gouvernance
du vocable politique pour le remplacer par souveraineté
populaire et gouvernement.
-
4 Le modèle
élitiste qui perdure d’élections en élections avec l’impression que le système
démocratique n’est qu’un paravent pour maintenir toujours les mêmes au pouvoir
et en définitive maintenir les inégalités monstrueuses produites par ce système.
-
5 Le rôle des
médias de masse dans cette perpétuation. Alors que les médias devraient être un
outil pour la démocratie, leur responsabilité est immense face à l’impasse dans
laquelle la démocratie se trouve.
-
6 Le poids des « experts »
dans les décisions. Ce poids est si grand qu’on a pu parler de république des
experts. Experts qui passent alternativement et héréditairement un peu comme
une transmission dynastique, de la grande administration d’Etat au secteur
privé (aujourd’hui pour un grand nombre le secteur bancaire) pour revenir à la politique.
Les mêmes tournent, pantouflent, s’enrichissent, votent des lois et héritent de
privilèges.
-
7 Les lobbies qui
manoeuvrent en permanence pour empêcher toutes décisions allant contre leurs
intérêts particuliers. (le lobby bancaire, celui des industries pharmaceutiques,
des entreprises multinationales et des centaines d’autres).
-
8 Les scandales
qui émaillent en permanence la vie politique et ronge la vie démocratique. Ces
scandales font penser que la motivation première de nos représentants est
l’enrichissement personnel.
-
9 Le sentiment
que le peuple est absent et très éloigné des décisions et laissé dans
l’ignorance. Citons trois exemples récents :
§
la loi sur le renseignement qui n’a pas été précédée d’un véritable débat sur
les enjeux de la sécurité et de la surveillance généralisée en France,
§
celui plus ancien
de notre intervention en Libye qui n’a
jamais été discutée par la représentation nationale, alors que nos avions
ont effectué plus de 4000 sorties aériennes, qu’ils ont contribué à détruire un
pays et changé radicalement le cours de l’histoire dans cette région du monde
et maintenant dans le nôtre,
§
enfin le troisième exemple est celui de Tafta,
cet accord commercial entre les Etats-Unis et l’Europe qui se négocie
actuellement dans le plus grand secret.
Pourquoi ce secret ? : parce que cet accord se fera contre l’intérêt des
peuples américains et européens et dans le seul intérêt des industriels et du
commerce mondial.
- 10 L’hypocrisie, qui consiste à prétendre que la
démocratie telle qu’elle est pratiquée par les grandes puissances occidentales,
rime avec paix, comme l’a écrit Alexis de Tocqueville au XIXe
siècle. En fait la volonté de puissance, la volonté hégémonique sur le monde
des pays dits démocratiques s’est soldée en permanence par des guerres dans le
monde.
Dans
ces conditions, la défiance vis-à-vis des élus va en grandissant et la
démocratie représentative semble être une illusion de démocratie, un ersatz de
démocratie, une hypocrisie que les grands médias perpétuent. Un peu comme les
clercs de l’Ancien Régime perpétuaient le système inégalitaire des privilèges
en place depuis des siècles. La démocratie parlementaire inventée au XIXe
siècle, telle que nous la connaissons encore aujourd’hui, est à bout de souffle
comme l’Ancien Régime l’était en 1788.
Aujourd’hui
la rupture entre le peuple et ses représentants semble consommée. Peuple qui
pense de plus en plus que les élections ne sont là que pour maintenir un
système injuste.
La
question actuelle se résume ainsi : est-ce que la démocratie
représentative telle que nous la vivons répond aux aspirations démocratiques du
peuple ?
L’illusion
démocratique s’est encore accentuée au cours de la dernière période après l’élection
de Syriza en Grèce, en butte à des grandes difficultés. Les gouvernements
européens avaient dit clairement qu’ils ne tiendraient aucun compte des
résultats des élections de janvier 2015 en Grèce. Qu’ils feront tout pour que
les réformes programmées par Syriza ne puissent pas être mises en œuvre. Le
bras de fer engagé par les gouvernements européens au service des intérêts
financiers, pour faire plier la Grèce, a été dramatique pour la démocratie en
Grèce. Ce petit pays a dû céder sinon il était perdu, se plier au diktat de la
finance, capituler ou disparaître du concert des nations. Voilà l’enjeu. Voilà
le mépris aussi. Et c’est le même mépris pour les résultats d’un vote lorsqu’il
ne va pas dans le sens souhaité, mépris que nous avons nous-mêmes vécu en
France, lorsque par le traité de Lisbonne, les dirigeants européens, Nicolas
Sarkozy avec l’ensemble de la représentation nationale, ont imposé à la France
et à tous les pays partenaires, le projet de traité constitutionnel qui avait
été refusé par référendum.
II
Ce
réquisitoire contre la démocratie représentative est dur, très dur, mais il correspond
hélas à la réalité que nous vivons.
C’est
bien la démocratie parlementaire qui fait problème aujourd’hui. Qui apparaît
comme un problème que le peuple doit résoudre.
Alors
quels sont les chemins qui nous permettront de sortir de ce mauvais pas ?
De rétablir l’espoir qu’a pu représenter un jour le suffrage universel.
Ici,
on ne peut que dessiner quelques pistes de travail. Et c’est justement par des
débats, des échanges comme celui-ci que nous trouverons ensemble les moyens de
changer les choses en la matière.
C’est
en multipliant ce genre d’interventions, en créant et dynamisant la vie
associative un peu partout que la démocratie se revitalisera. Les associations
et des Conseils citoyens doivent pouvoir devenir des interlocuteurs des Institutions.
Ce qu’ils ne sont pas aujourd’hui, si je regarde ce qui se passe à Nancy.
La
démocratisation des institutions passe par la vie associative. Faire entrer cet
espace associatif où se trouvent des citoyens, dans l’espace institutionnel et
décisionnel, et ceci jusqu’au plus haut niveau, est nécessaire pour une
démocratie véritable. D’ailleurs ce phénomène est actuellement en cours :
je prends l’exemple de l’association Anticor
qui lutte contre la corruption et qui en 2012 a obtenu l’agrément du ministère
de la Justice pour se constituer partie civile dans les affaires de corruption
et qui est reconnu de plus en plus comme un interlocuteur des politiques. Ce
n’est évidemment qu’un début.
Par
le développement de la vie associative, nous pourrons dégager un nouveau mode
de représentation, sans laisser tomber l’ancien fondé sur l’élection. Cela est
possible immédiatement dans le cadre d’une commune, d’un département ou d’une
région. Cela est envisageable au niveau d’un pays.
Un
moment de bouillonnement, de créations multiples est nécessaire. Et il faut
tout faire pour favoriser des instants de rencontres, d’échanges. Car de ce terreau
va naître des idées, d’autres initiatives, d’autres manières de vivre ensemble
qui se concrétiseront dans de nouvelles organisations politiques et citoyennes.
Il
faut affirmer qu’il y a actuellement une aspiration profonde à une autre vie
démocratique. Le temps où certains se prétendent être l’élite de la nation face
à une masse ignorante et incapable, masse silencieuse (majorité silencieuse
comme on disait autrefois), est révolu. Le temps de la séparation et
de l’opposition entre l’Etat, ses institutions et l’ensemble de la société
est en voie d’achèvement. Un Etat séparé des gens et même parfois exerçant son
pouvoir de répression sur les gens est en voie d’extinction. Ce type d’Etat est
de plus en mal supporté, malgré les récentes décisions d’instaurer l’état
d’urgence qui est une atteinte à la démocratie et à l’Etat de droit.
Je
pense à terme au dépérissement de l’Etat et à la mise en place d’un régime de
libre association.
Ce
changement notable des mentalités, surtout parmi la jeunesse est dû en grande
partie à l’apparition de nouveaux moyens de communications, d’Internet, qui
favorise à l’infini les échanges, la communication. Comme il peut aussi
favoriser les manipulations comme nous l’a bien dit Gérald Brunner.
Mais
les échanges sur Internet se font de manière horizontale. Le savoir,
l’information ou la désinformation, se diffusent de plus en plus de manière
horizontale et non plus verticale.
Ce
phénomène nouveau et massif d’échanges entre tous, et d’organisations nouvelles,
rend la démocratie représentative, c'est-à-dire le fait de transférer son
pouvoir à un autre, obsolète, d’un autre temps. Un peu comme si cette forme
représentative était maintenant à bout de souffle.
Et
la société dans un avenir pas si lointain, sera capable de produire ses règles
et d’inventer des institutions nouvelles.
Il
faut donc radicaliser la démocratie et pour ce faire, ne rien attendre ou
attendre peu de ceux qui gouvernent mais ne compter que sur ses propres initiatives.
Parmi
les réformes démocratiques immédiates à mettre en oeuvre citons :
§
la mise en place
d’Etats Généraux en France
§
l’interdiction du
financement privé de la politique notamment par les grandes entreprises
§
La mise en place
d’un scrutin proportionnel
§
le contrôle des
élus en cours de mandat et l’instauration d’un nouveau type de mandat
impératif.
§
la suppression effective
du cumul des mandats
§
raccourcir la
durée des mandats et empêcher la réélection d’un élu lors du scrutin suivant.
§
la mise en place de
référendum d’initiative populaire
§
la création de véritables
Conseils citoyens
§
l’entrée des
associations et de ces conseils dans le processus décisionnel
§
le contrôle
associatif, politique et démocratique des médias et de leur indépendance…
La
France, la République, la laïcité et aussi la démocratie, toutes ces principes
se fissurent et ces fissures viennent détruire notre socle commun, notre
capacité de vivre ensemble.
Faut-il
attendre une catastrophe démocratique pour appeler à un réveil ?
Faut-il
rejeter les principes qui nous
rassemblent au nom de l’insuffisance actuelle de leur application ?
C’est
justement en s’appuyant sur l’affirmation ambitieuse de ces principes que sont
l’Egalité, la Fraternité, la Liberté que nous pourrons mobiliser les esprits et
retrouver force et détermination.
Mais
ces principes ne sont pas que des énoncés formels ; ils ne sont pas des
mots creux et vides de sens répétés à longueur de temps ; ces principes ne
sont pas des mensonges prononcés pour masquer une réalité qui vient les
contredire. Un peu comme si la démocratie n’était là que pour reproduire des
inégalités, reproduire une oligarchie, une élite. Dans ce cas le système
démocratique avec ses rites électoraux, se transforme en masque, en paravent
d’une vassalisation de la politique par une caste. Le lien de confiance entre
le peuple et ses représentants sur lequel repose toute vie démocratique, est
alors rompu.
Ces
principes républicains (Liberté, égalité, Fraternité) doivent devenir des
réalités tangibles pour tout le monde. Sinon le risque est grand de les voir
balayer.
Or
aujourd’hui l’insuffisance de leur application dans notre pays est tellement
évidente, que c’est un lieu commun de le dire : déficit démocratique,
poids des lobbys dans les décisions, inégalités monstrueuses, pauvreté, chômage
de masse, désespoir d’une partie de la jeunesse privée d’avenir, gouvernants
déconnectés de la vie des citoyens, promesses électorales non tenues, scandales
à répétition, etc, etc… : la liste n’est pas exhaustive.
Tout
cela donne le sentiment que le peuple est absent et très éloigné des décisions
et laissé dans l’ignorance. Dans ces conditions, la défiance vis-à-vis des élus
va en grandissant et la démocratie telle qu’elle est pratiquée semble être une
illusion de démocratie, un ersatz de démocratie, une hypocrisie que les grands
médias perpétuent.
Aujourd’hui
il y a un risque, celui de la rupture entre le peuple et ses représentants.
Peuple qui pense de plus en plus que les élections ne sont là que pour
maintenir un système injuste.
Il
est urgent aujourd’hui de réformer notre système démocratique afin de rétablir
l’espoir qu’a pu représenter un jour le suffrage universel.
Il
faut affirmer qu’il y a actuellement une aspiration profonde à une autre vie
démocratique. Le temps où certains se prétendent être l’élite de la nation face
à une masse ignorante et incapable, masse silencieuse (majorité silencieuse
comme on disait autrefois), est révolu. Le temps de la séparation et
de l’opposition entre l’Etat, ses institutions et l’ensemble de la société
est en voie d’achèvement. Un Etat séparé des gens et même parfois exerçant son
pouvoir de répression sur eux est en voie d’extinction.
Il
faut radicaliser la démocratie et pour ce faire, compter principalement sur ses
propres initiatives.
Pour
conclure je dirai que si le vote dans un isoloir organisé tous les cinq ans,
devait changer quelque chose, cela fait longtemps qu’on l’aurait interdit. Le
fait de voter ne suffit pas.
Une
démocratie de haute intensité devient une nécessité pour nos pays.
Le
meilleur régime politique et économique est toujours à venir. C’est possible.
François
Baudin
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