Les
mouvements de fraternisation dans les tranchées au cours de la guerre de 1914,
furent à la fois importants et rares. Importants, car ils signifièrent que les
hommes mobilisés dans le carnage de la Première Guerre mondiale ne succombèrent
pas tous à la folie meurtrière dont ils étaient les victimes. Ces mouvements de
fraternisation se multiplièrent à la Noël 1914 et 1915. Des hommes sortent des
tranchées allemandes, anglaises, françaises, ils fraternisent, chantent,
dansent, boivent et mangent ensemble, et même pour certains assistent à une
messe commune au cours de la nuit de la nativité.
Ainsi
des hommes qu’on avait prédestinés à être des ennemis héréditaires refusèrent à
certains moments de combattre. Appelés par leur conscience, ils eurent le
courage de dire non à la guerre malgré les risques de condamnation pour
désertion et haute trahison.
Ces
actes de fraternisations pacifiques furent aussi très rares, car on imagine
bien que les autorités militaires des camps ennemis et les dirigeants
politiques de l’époque ne pouvaient pas supporter de tels refus de combattre
qui dévoilaient au monde entier l’absolue bêtise d’une guerre terriblement
meurtrière. Les chefs d’état major ennemis s’entendirent alors pour exercer la
plus grande des répressions dans chacun de leur camp, et veillèrent à ce que
plus jamais de tels mouvements ne se reproduisent.
100 ans
après ces actes héroïques, le président de la république François Hollande a
inauguré jeudi dernier un monument célébrant les fraternisations à Neuville
Saint Vaast dans le Nord Pas-de-Calais.
Déplacement
hautement symbolique qui vient juste après les élections régionales marquées
par une montée très forte du vote extrémiste. Le moment post-électoral est à la
fraternisation. A l’heure des périls, lorsque les blés sont sous la grêle, fou
celui qui fait le délicat, avait écrit le poète Aragon. Et nous comprenons François
Hollande lorsqu’il déclare : « Nous avons besoin, au-delà de ce qui
peut nous séparer, de concorde. Ne transformons pas nos différences en
défiances, nos divergences en discordes. Nous sommes tous dépositaires de la
République ».
Aucun homme ne
peut s’opposer à cette orientation fraternelle et pacificatrice. La véritable
question n’est pas là, et la seule qui convienne à cette heure de tension, est
politique. Oui, cette unité est nécessaire, mais pour quoi faire ? Pour
aller où ?
Les principes républicains
(Liberté, égalité, Fraternité) doivent devenir des réalités tangibles pour tout
le monde et non pas de simples déclarations formelles et sans cesse répétées.
Sinon le risque est grand de les voir balayer par un vote extrémiste.
Or aujourd’hui l’insuffisance de
leur application dans notre pays est tellement évidente, que c’est un lieu
commun de le dire : déficit démocratique, poids des lobbys dans les
décisions, inégalités monstrueuses, pauvreté, chômage de masse, désespoir d’une
partie de la jeunesse privée d’avenir, gouvernants déconnectés de la vie des
citoyens, promesses électorales non tenues, scandales à répétition, etc., etc.
La liste n’est pas exhaustive.
Tout cela donne le sentiment que
le peuple est laissé pour compte, absent et très éloigné des décisions. Dans
ces conditions, la défiance vis-à-vis des élus va en grandissant et la
démocratie telle qu’elle est pratiquée semble être une illusion.
Aujourd’hui il y a un risque,
celui de la rupture entre le peuple et ses représentants. La démocratie fondée
sur la confiance est en danger.
Il est urgent aujourd’hui de
rétablir l’espoir et de mener une autre politique ne conduisant pas à l’abandon
de catégories entières du peuple de France.
Sinon, les mêmes causes produisant
les mêmes effets, à chaque élection nous aurons les mêmes résultats, avec une
montée irrésistible du nombre de voix extrémistes.
François Baudin
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