vendredi 18 décembre 2015

Noël fraternel


Les mouvements de fraternisation dans les tranchées au cours de la guerre de 1914, furent à la fois importants et rares. Importants, car ils signifièrent que les hommes mobilisés dans le carnage de la Première Guerre mondiale ne succombèrent pas tous à la folie meurtrière dont ils étaient les victimes. Ces mouvements de fraternisation se multiplièrent à la Noël 1914 et 1915. Des hommes sortent des tranchées allemandes, anglaises, françaises, ils fraternisent, chantent, dansent, boivent et mangent ensemble, et même pour certains assistent à une messe commune au cours de la nuit de la nativité.
Ainsi des hommes qu’on avait prédestinés à être des ennemis héréditaires refusèrent à certains moments de combattre. Appelés par leur conscience, ils eurent le courage de dire non à la guerre malgré les risques de condamnation pour désertion et haute trahison.
Ces actes de fraternisations pacifiques furent aussi très rares, car on imagine bien que les autorités militaires des camps ennemis et les dirigeants politiques de l’époque ne pouvaient pas supporter de tels refus de combattre qui dévoilaient au monde entier l’absolue bêtise d’une guerre terriblement meurtrière. Les chefs d’état major ennemis s’entendirent alors pour exercer la plus grande des répressions dans chacun de leur camp, et veillèrent à ce que plus jamais de tels mouvements ne se reproduisent.
100 ans après ces actes héroïques, le président de la république François Hollande a inauguré jeudi dernier un monument célébrant les fraternisations à Neuville Saint Vaast dans le Nord Pas-de-Calais.
Déplacement hautement symbolique qui vient juste après les élections régionales marquées par une montée très forte du vote extrémiste. Le moment post-électoral est à la fraternisation. A l’heure des périls, lorsque les blés sont sous la grêle, fou celui qui fait le délicat, avait écrit le poète Aragon. Et nous comprenons François Hollande lorsqu’il déclare : « Nous avons besoin, au-delà de ce qui peut nous séparer, de concorde. Ne transformons pas nos différences en défiances, nos divergences en discordes. Nous sommes tous dépositaires de la République ».

Aucun homme ne peut s’opposer à cette orientation fraternelle et pacificatrice. La véritable question n’est pas là, et la seule qui convienne à cette heure de tension, est politique. Oui, cette unité est nécessaire, mais pour quoi faire ? Pour aller où ?

Les principes républicains (Liberté, égalité, Fraternité) doivent devenir des réalités tangibles pour tout le monde et non pas de simples déclarations formelles et sans cesse répétées. Sinon le risque est grand de les voir balayer par un vote extrémiste.
Or aujourd’hui l’insuffisance de leur application dans notre pays est tellement évidente, que c’est un lieu commun de le dire : déficit démocratique, poids des lobbys dans les décisions, inégalités monstrueuses, pauvreté, chômage de masse, désespoir d’une partie de la jeunesse privée d’avenir, gouvernants déconnectés de la vie des citoyens, promesses électorales non tenues, scandales à répétition, etc., etc. La liste n’est pas exhaustive.

Tout cela donne le sentiment que le peuple est laissé pour compte, absent et très éloigné des décisions. Dans ces conditions, la défiance vis-à-vis des élus va en grandissant et la démocratie telle qu’elle est pratiquée semble être une illusion.
Aujourd’hui il y a un risque, celui de la rupture entre le peuple et ses représentants. La démocratie fondée sur la confiance est en danger.
Il est urgent aujourd’hui de rétablir l’espoir et de mener une autre politique ne conduisant pas à l’abandon de catégories entières du peuple de France.
Sinon, les mêmes causes produisant les mêmes effets, à chaque élection nous aurons les mêmes résultats, avec une montée irrésistible du nombre de voix extrémistes.

François Baudin 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire