vendredi 22 janvier 2016

Un autre monde possible

Au cours des derniers jours, deux évènements se sont télescopés telle une dissonance symbolisant la marche du monde. La 102ème journée internationale du migrant et du réfugié organisée par le Vatican et la 45ème rencontre de Davos en Suisse.
Les premières journées internationale organisées par l’Eglise catholique dès avant la guerre de 1914 étaient principalement consacrées à la question des migrations italiennes à travers le monde et à l’accueil, le plus souvent hostile, que ces populations recevaient dans les pays européens comme aux Etats-Unis. En butte à la xénophobie, à des conditions très pénibles, effectuant les tâches les plus dures, confrontées à une vie dégradante, logeant dans des taudis et des baraquements de fortune, les premières migrations humaines industrielles n’avaient rien à envier à celles d’aujourd’hui.
Depuis les premiers temps de l’histoire de l’industrie moderne, comme s’il y avait une continuité historique dans les migrations, des centaines et des centaines de millions d’individus ont été déplacés pour y peupler les usines, les mines, les baraquements insalubres où des hommes devaient reconstituer leur force de travail.
Aujourd’hui la situation des migrants n’a guère changé. Peut-être même a-t-elle empiré et très fortement augmenté ?
Jungle de Calais où viennent souffrir dans la boue, sous les tentes et dans le froid, des hommes, des femmes et des enfants.
Frontière serbe, autrichienne ou tchèque où marchent péniblement dans la neige de longues files d’êtres humains, fantômes de notre monde contemporain.
Frêles embarcations sombrant corps et biens au large des côtes grecques, espagnoles ou italiennes.
Voilà le spectacle quotidien offert par notre planète.
Le Pape sur la place Saint Pierre de Rome a rappelé dimanche dernier qu’à la racine de l’Evangile se trouve l’accueil. Voir et répondre à la misère du monde est un commandement impératif. Le pape François déclare : Plus que par le passé, l’Évangile de la miséricorde secoue aujourd’hui les consciences, empêche que l’on s’habitue à la souffrance de l’autre et indique des chemins de réponse  qui s’enracinent dans l’espérance de la charité.

Un second évènement est intervenu : les rencontres de Davos en Suisse. Le forum économique mondial qui réunit chaque année depuis 1971 en janvier des dirigeants de grandes compagnies mondiales, des responsables politiques du monde entier, des intellectuels et des journalistes, afin de débattre des problèmes les plus urgents de la planète. Donc une rencontre de ceux qui ont aujourd’hui le pouvoir de décider, qui d’ailleurs prennent des décisions chaque jour et conduisent de fait la marche du monde. Qui sont, même pour certains d’entre eux, élus pour cela, pour décider. Qui sont nos représentants.
Or la question est bien là ?
Comment se fait-il qu’une même situation humaine perdure depuis presque deux siècles ? En empirant, nous dit le pape François dans sa déclaration. N’y a-t-il pas là un scandale historique qui devra bien un jour être véritablement combattu et dont nous sommes en définitive collectivement responsables ?
N’y a-t-il pas un extraordinaire aveuglement humain qui nous fait toujours chuter dans le calcul froid et égoïste de l’unique et impitoyable liberté du système économique actuel qui produit selon le dernier rapport de l’ONG Oxfam, des inégalités monstrueuses jamais connues auparavant dans l’histoire de l’humanité.
L’homme restera-t-il toujours le moyen pour qu’un autre homme puisse s’enrichir ?
L’homme sera-t-il un jour considéré dans l’entièreté de sa personne, respectée comme tel, comme une fin et non comme un moyen ?
Nous sommes confrontés à un défi permanent qui nous impose depuis si longtemps de penser ensemble à un autre monde possible, à une autre humanité. Seule la perspective d’un autre possible, redonnera espoir à la famille humaine.

François Baudin  



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