vendredi 29 janvier 2016

Déchéance de la civilisation !


Il faut supprimer le mot déchéance du vocabulaire politique. Déchéance vient de choir qui signifie tomber, abaisser, dégrader. Ce mot est de la même famille que déchet qui  fait immédiatement penser à épluchures, détritus, débris. Quelque chose d’irrécupérable. Résidu impropre, ordure que l’on doit jeter à la poubelle, hors de l’humanité.
Ce mot de déchéance correspond à une idée de l’homme qui doit être combattue, comme ont été combattus ceux, autrefois, qui avaient déporté, par centaines de milliers, des hommes, des femmes et des enfants dans des camps d’extermination.

Dès que l’homme met au centre de ses préoccupations la dignité humaine et place comme valeur absolue et universelle au cœur de son idée politique, l’autre homme son frère, le terme de déchéance est immédiatement proscrit. C’est une voie impossible de penser qu’un autre puisse être déchu de sa nationalité, quels que soient son acte et son origine.
Ce fut une des caractéristiques majeures des anciens régimes totalitaires de déchoir de leur nationalité des hommes parmi leurs compatriotes.
Le débat sur la déchéance de la nationalité réservée dans un premier temps aux Français d’origine étrangère, qui instaure une inégalité de fait entre des citoyens possédant théoriquement les mêmes droits, puis étendue à tous les Français ayant commis un crime de terrorisme, oui ce débat empoisonne notre vie commune. Il ne sera d’aucune efficacité, n’empêchera aucun nouveau crime de se commettre et n’arrêtera pas le bras des assassins.

Nous avons déjà à notre disposition tout l’arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme, et aussi symbolique comme lindignité nationale instaurée après l’occupation allemande en 1945 à l’encontre de certains collaborateurs du régime nazi.
Ni la déchéance de nationalité, ni l’état d’urgence prolongé ou inscrit de manière pérenne dans la loi ne nous aidera dans la lutte contre le terrorisme. Trois mois d’état d’urgence l'ont démontré ; au final il y a actuellement très peu d’assignations à résidence, et fin décembre, sur presque trois mille perquisitions effectuées sans l’aval d’une décision judiciaire, seulement deux enquêtes préliminaires pour terrorisme ont été diligentées. Rien ne permet de dire que l’état d’urgence et la déchéance de nationalité sont des armes efficaces contre le terrorisme. Peut-être même c’est l’inverse, car ces dispositions d’exception ne feront que donner aux assassins une aura nihiliste qui risque de fasciner quelques esprits faibles.

Il faut impérativement sortir collectivement de cette impasse politique qui met la République en danger, car l’exception devient la règle, l’arbitraire devient la loi et la peur actuelle d’un régime aux abois risque de nous projeter dans un destin sans issue. Il y a aujourd’hui un véritable danger, celui d’une dérive ou d’un glissement nous entraînant inexorablement vers des régions obscures où nos libertés auront disparu.
Tout cela est très inquiétant. 
Entre les innombrables décisions inhumaines en Europe contre les réfugiés, les conditions indignes qu’on leur inflige dans maints endroits, comme à Calais, nous assistons à un véritable déferlement de boue dont nous devons avoir honte en tant qu’homme.
Sommes-nous à la veille de la fin de la civilisation fondée sur le droit, la fraternité et l’amour ?
Il est temps de nous réveiller, d’ouvrir les yeux, car demain nous ne saurons plus quoi faire face à cette avalanche qui nous emportera.


François Baudin

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