Il faut
supprimer le mot déchéance du vocabulaire politique. Déchéance vient de choir qui signifie tomber, abaisser,
dégrader. Ce mot est de la même famille que déchet qui fait immédiatement
penser à épluchures, détritus, débris. Quelque chose d’irrécupérable. Résidu
impropre, ordure que l’on doit jeter à la poubelle, hors de l’humanité.
Ce mot
de déchéance correspond à une idée de l’homme qui doit être combattue, comme
ont été combattus ceux, autrefois, qui avaient déporté, par centaines de
milliers, des hommes, des femmes et des enfants dans des camps d’extermination.
Dès que
l’homme met au centre de ses préoccupations la dignité humaine et place comme valeur absolue et universelle au
cœur de son idée politique, l’autre homme son frère, le terme de déchéance est
immédiatement proscrit. C’est une voie impossible de penser qu’un
autre puisse être déchu de sa nationalité, quels que soient son acte et son
origine.
Ce fut
une des caractéristiques majeures des anciens régimes totalitaires de déchoir
de leur nationalité des hommes parmi leurs compatriotes.
Le
débat sur la déchéance de la nationalité réservée dans un premier temps aux
Français d’origine étrangère, qui instaure une inégalité de fait entre des
citoyens possédant théoriquement les mêmes droits, puis étendue à tous
les Français ayant commis un crime de terrorisme, oui ce débat empoisonne notre
vie commune. Il ne sera d’aucune efficacité, n’empêchera aucun nouveau crime de
se commettre et n’arrêtera pas le bras des assassins.
Nous
avons déjà à notre disposition tout l’arsenal juridique pour lutter contre le
terrorisme, et aussi symbolique comme l’indignité nationale instaurée après l’occupation allemande
en 1945 à l’encontre de certains collaborateurs du régime nazi.
Ni la
déchéance de nationalité, ni l’état d’urgence prolongé ou inscrit de manière
pérenne dans la loi ne nous aidera dans la lutte contre le terrorisme. Trois
mois d’état d’urgence l'ont démontré ; au final il y a actuellement
très peu d’assignations à résidence, et fin décembre, sur presque trois mille perquisitions effectuées sans l’aval d’une décision judiciaire, seulement deux enquêtes préliminaires pour terrorisme ont été diligentées. Rien ne permet de dire que l’état d’urgence et la déchéance de nationalité sont des
armes efficaces contre le terrorisme. Peut-être même c’est l’inverse, car ces dispositions d’exception ne feront que donner aux assassins une
aura nihiliste qui risque de fasciner quelques esprits faibles.
Il faut impérativement sortir collectivement de cette impasse politique qui
met la République en danger, car l’exception devient la règle, l’arbitraire
devient la loi et la peur actuelle d’un régime aux abois risque de nous
projeter dans un destin sans issue. Il y a aujourd’hui un véritable danger,
celui d’une dérive ou d’un glissement nous entraînant inexorablement vers des
régions obscures où nos libertés auront disparu.
Tout
cela est très inquiétant.
Entre
les innombrables décisions inhumaines en Europe contre les réfugiés, les
conditions indignes qu’on leur inflige dans maints endroits, comme à Calais, nous assistons à un véritable déferlement de boue dont nous devons
avoir honte en tant qu’homme.
Sommes-nous à la veille de la fin de la civilisation fondée sur le droit, la
fraternité et l’amour ?
Il est
temps de nous réveiller, d’ouvrir les yeux, car demain nous ne saurons plus
quoi faire face à cette avalanche qui nous emportera.
François Baudin
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