jeudi 10 mars 2016

On vaut mieux que ça




Le projet de loi sur la réforme du code du travail sera peut-être le projet de trop pour un quinquennat vieillissant. Ce projet sera-t-il la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Un peu comme si l’erreur commise par une équipe gouvernementale sur le déclin, dernier geste d’un pouvoir en sursis pour une année encore, devait précipiter un mouvement historique que tant de gens attendent en France.
Le retour du social sur le devant de la scène de l’actualité va-t-il chasser en arrière plan, là où ils auraient dû rester, les débats sur l’identité, le fanatisme religieux, les débats sur la déchéance de nationalité, la sécurité. Car ce qu’on nomme le repli identitaire, le terrorisme, la tentation du fanatisme religieux ne sont tout compte fait que des symptômes ou des conséquences des difficultés économiques et sociales qui traversent le monde aujourd’hui.
Un peu comme si toutes ces questions n’étaient là que pour nous cacher l’essentiel qui est la cause de tous nos maux actuels : la pauvreté grandissante et l’exclusion d’une partie de plus en plus importante de la population, la précarité placée comme horizon indépassable pour la jeunesse, la défiance à l’égard des salariés.
Depuis une vingtaine d’années, on veut faire croire à l’opinion publique qu’en libérant les entreprises de toutes contraintes, de tout contrôle, en rendant précaire de plus en plus de monde, en sous-payant les salariés, en augmentant la durée du temps de travail, en intensifiant les conditions et les productivités, en méprisant toutes revendications, en les considérant comme infondées et même dangereuses pour l’avenir des entreprises, oui on veut faire croire que tout cela entrave la liberté d’entreprendre, gène le développement économique, empêche la croissance, et en définitive provoque encore plus chômage et difficulté pour la population.
Ainsi il est montré quotidiennement, notamment dans les grands médias, que les salariés en France n’ont aucun courage, qu’ils ne comprennent pas les difficultés des entreprises, qu’ils sont égoïstes, frileux et même pour la plupart fainéants. Que ce sont des irresponsables prêts à sacrifier l’intérêt général pour leur propre bien-être.
Le projet de loi El Komri reposait en définitive sur toutes ces idées qui circulent depuis tant d’années. L’idée selon laquelle les salariés en France sont les derniers inadaptés de notre société face au défi de la mondialisation. Ceux qui refusent le projet El Komri répondent simplement « On vaut mieux que ça ».

Le gouvernement en ce début de printemps 2016 a cru que le fruit était mur et qu’il allait tomber : les salariés allaient enfin céder globalement et massivement aux injonctions libérales, obéir, se soumettre au dictat, devenir malléables, corvéables et isolés. Affaiblis qu’ils étaient déjà par tant d’années d’offensives idéologiques et de manipulations.

Mais les récentes mobilisations contre le projet de loi El Khomri ont peut-être remis les choses dans un autre sens.
Des milliers et des milliers de salariés, de jeunes, d’étudiants se mettent à échanger sur les réseaux sociaux sur leurs conditions de vie, sur leurs difficultés. Une colère monte, elle traverse le pays, les quartiers, les entreprises, les facultés, les villages. Le réel est de retour. Et un grand nombre souhaite en être partie prenante.
Espérons que ce mouvement accouche d’un projet présentant une alternative possible à ce que nous vivons depuis trop longtemps dans nos pays.


François Baudin

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