Le
projet de loi sur la réforme du code du travail sera peut-être le projet de
trop pour un quinquennat vieillissant. Ce projet sera-t-il la goutte d’eau qui
fait déborder le vase ? Un peu comme si l’erreur commise par une équipe
gouvernementale sur le déclin, dernier geste d’un pouvoir en sursis pour une
année encore, devait précipiter un mouvement historique que tant de gens
attendent en France.
Le
retour du social sur le devant de la scène de l’actualité va-t-il chasser en
arrière plan, là où ils auraient dû rester, les débats sur l’identité, le
fanatisme religieux, les débats sur la déchéance de nationalité, la sécurité. Car
ce qu’on nomme le repli identitaire, le terrorisme, la tentation du fanatisme
religieux ne sont tout compte fait que des symptômes ou des conséquences des
difficultés économiques et sociales qui traversent le monde aujourd’hui.
Un
peu comme si toutes ces questions n’étaient là que pour nous cacher l’essentiel
qui est la cause de tous nos maux actuels : la pauvreté grandissante et
l’exclusion d’une partie de plus en plus importante de la population, la
précarité placée comme horizon indépassable pour la jeunesse, la défiance à
l’égard des salariés.
Depuis
une vingtaine d’années, on veut faire croire à l’opinion publique qu’en
libérant les entreprises de toutes contraintes, de tout contrôle, en rendant
précaire de plus en plus de monde, en sous-payant les salariés, en augmentant
la durée du temps de travail, en intensifiant les conditions et les
productivités, en méprisant toutes revendications, en les considérant comme
infondées et même dangereuses pour l’avenir des entreprises, oui on veut faire
croire que tout cela entrave la liberté d’entreprendre, gène le développement
économique, empêche la croissance, et en définitive provoque encore plus
chômage et difficulté pour la population.
Ainsi
il est montré quotidiennement, notamment dans les grands médias, que les
salariés en France n’ont aucun courage, qu’ils ne comprennent pas les
difficultés des entreprises, qu’ils sont égoïstes, frileux et même pour la
plupart fainéants. Que ce sont des irresponsables prêts à sacrifier l’intérêt
général pour leur propre bien-être.
Le
projet de loi El Komri reposait en définitive sur toutes ces idées qui
circulent depuis tant d’années. L’idée selon laquelle les salariés en France
sont les derniers inadaptés de notre société face au défi de la mondialisation.
Ceux qui refusent le projet El Komri répondent simplement « On vaut mieux
que ça ».
Le
gouvernement en ce début de printemps 2016 a cru que le fruit était mur et
qu’il allait tomber : les salariés allaient enfin céder globalement et
massivement aux injonctions libérales, obéir, se soumettre au dictat, devenir
malléables, corvéables et isolés. Affaiblis qu’ils étaient déjà par tant
d’années d’offensives idéologiques et de manipulations.
Mais
les récentes mobilisations contre le projet de loi El Khomri ont peut-être
remis les choses dans un autre sens.
Des
milliers et des milliers de salariés, de jeunes, d’étudiants se mettent à
échanger sur les réseaux sociaux sur leurs conditions de vie, sur leurs
difficultés. Une colère monte, elle traverse le pays, les quartiers, les
entreprises, les facultés, les villages. Le réel est de retour. Et un grand
nombre souhaite en être partie prenante.
Espérons
que ce mouvement accouche d’un projet présentant une alternative possible à ce
que nous vivons depuis trop longtemps dans nos pays.
François
Baudin
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