Pour
celui qui pense que toute manifestation est vérité et que toute vérité se
manifeste, les centaines de milliers d’individus descendus dans la rue et sur les places jeudi 12 septembre avaient une
vérité à faire entendre, à faire connaître.
Ils
étaient nombreux à affirmer leur
refus des réformes successives : celles de l’ancienne ministre du Travail
El Khomeri comme celles aujourd’hui contenues dans les ordonnances Macron.
Ces
milliers de manifestants ne veulent pas des réformes. Ils l’affirment, ils
le manifestent ; ils refusent le monde qu’on leur propose.
Alors
le gouvernement et le président de la République les désignent comme des
conservateurs, des extrémistes et même des fainéants. L’insulte pour
disqualifier est toujours une facilité rhétorique lorsqu’on n’a pas grand-chose
à répondre.
Mais
à travers cette insulte présidentielle, c’est bien une autre vérité qui
s’affirme. Celle des affaires, de la liberté des affaires qui en leur sein et
dans leurs secrets n’acceptent que les gagnants, les « winners »
comme on les appelle dans le monde de la mondialisation.
La
vérité des affaires doit triompher ; elle veut à tout prix se libérer de
toutes contraintes, de toutes règles, de toutes lois, pour s’épanouir et se
manifester sans entrave.
Laissez-faire
les affaires, telle est la règle qui domine aujourd’hui. Et tout
gouvernement ne doit trouver sa légitimé que dans cet objectif de servir les
affaires, les développer, les maintenir et défendre leur liberté. Ce qui est
désigné par l'expression : concurrence non faussée, libre et
parfaite. Voilà aujourd’hui la vérité du monde.
Or
face à cette vérité dominante, il en est une autre qui est son pendant. Elle
concerne des milliards d’êtres humains : exclus, population flottante,
nomades du travail, peuples déplacés dont les territoires sont détruits par
des guerres, précaires ou futurs précaires, chômeurs, travailleurs pauvres. Une
très grande partie de la population du globe est livrée à cette terrible
réalité.
En
France plus de 10 millions d’habitants vivent aux marges de notre société
d’abondance pendant que huit personnes sur la planète possèdent la richesse de
2 milliards d’individus. Oui vous avez bien entendu 8 personnes.
Quel
est le rôle, quelle est la mission d’un président de la République, de l’Etat,
de tout gouvernement ?
Deux conceptions,
deux choix, deux vérités sont possibles:
· Laissez
faire l’économie et penser que tout se réglera spontanément avec le moins
d’interventions possibles, sauf militaires ou policières. Le moins de
contrainte, le moins de lois : car toute contrainte nuit aux affaires. Le gouvernement
des hommes doit faire place à l’administration des choses. Ce sont les choses elle-mêmes
qui doivent se gouverner toute seule. Cela s’appelle le marché et sa main invisible.
· Seconde
vérité possible : Intervenir, redistribuer, réguler, et aussi contraindre
par la loi. Cela s’appelle la politique, la république, la chose commune
et l’intérêt général. Toutes choses que les hommes surent inventer pour pouvoir
vivre ensemble.
L’exercice du
pouvoir sera toujours un indicateur de vérité. L’art de gouverner et la
vérité sont liés à tout jamais.
Depuis mai
dernier nous sommes entrés dans une phase nouvelle de l’histoire politique de
notre pays : celle de la mise en œuvre triomphale d’un libéralisme que des
règles d’une autre époque (celle de l’après guerre en 1945) avaient pour un
temps régulé.
François Baudin
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