La
France en morceaux ! Comment ne pas en observer, regretter le constat,
sans pour autant ne pas en assumer la responsabilité. Etymologiquement, morceau
signifie, à propos d’un mets solide, un de ceux qu’on détache en mordant. Il
nous souligne aussi qu’une telle partie n’est pas forcément comestible. Voilà
bien ce qui me pousse depuis quelques trois mois à ne pas digérer les méchants
ingrédients, qui sont autant d’insultes à mon éducation, mes acquis, mes
interrogations. N’en vient-on pas aujourd’hui, dans notre si chère République,
à rejeter, malmener, voire nier un mouvement spontané, riche de citoyens en mal
d’expression, sans doute parce qu’ils ne comptaient plus, sinon pour les taxes
dont ils s’acquitt(ai)ent, celui des Gilets Jaunes- ce n’est pas un gros mot.
Sans parler des cheminots hier, des lycéens, au combat quasi inaperçu, des salariés
désemployés, des entrepreneurs désabusés... Là n’est pas le pire. Les premiers
ont-ils trouvé la possibilité de s’exprimer - dans la rue, aujourd’hui, dans
les urnes, demain - et les voilà, immédiatement accablés du pire : crétinisme,
complotisme, racisme, homophobie, et désormais antisémitisme.
Le
puzzle républicain, jamais définitivement composé, tant est harmonieuse sa
composition et fragile son devenir, en vient même à mettre le doute sur ce qui
relève de la fraternité et du mépris de classe, de la démocratie et de l’écran
de fumée, oratoire ou lacrymogène, ou encore de l’antisémitisme et de
l’antisionisme. A ne plus rien comprendre dans ce qui nous a construit : la
liberté (de conscience et des peuples, ici et là, à disposer d’eux-mêmes), la
fraternité, en mal, c’est vrai, de repères, et l’égalité, en somme la justice
sociale, réellement défaillante, ce n’est pas nouveau.
Le
constat, malheureusement lucide, n’incite-t-il pas tout un chacun à se regarder
dans le miroir. Mais cela suffit-il ? Doit-on en effet se contenter des brisures
qui le maltraitent, ou faut-il appeler à sa rupture, face aux entreprises de
démolition en cours ?
Claude VAUTRIN
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