Le 3 mars 1794, à la tribune de
l’Assemblée, Saint Just déclare : Le
bonheur est une idée neuve en Europe. Il propose alors de distribuer aux
indigents les richesses prises à ceux qui ont fui la France depuis la
Révolution, et combattent la République aux frontières de
l’Est. Puis s’adressant à ses collègues députés, Saint Just ajoute : Il faut que l’Europe apprenne que vous ne
voulez plus un malheureux, ni un oppresseur sur le territoire français.
Mais d’où vient cette idée neuve du bonheur pour l’humanité
tout entière, et notamment pour les plus pauvres, les indigents, les laissés
pour compte ?
Elle vient d’une autre
idée : celle du progrès. Progrès scientifique et technique, amélioration
de la productivité des biens, notamment des biens agricoles à l’époque de la Révolution,
progrès social, progrès moral et politique.
Concept central de la pensée des Lumières, le progrès incarne la croyance dans le
perfectionnement de l'humanité. La société en se développant, évolue vers un
mieux.
Or nous pouvons remarquer
aujourd’hui que cette idée même de progrès, pourtant très courante il y a
encore quelques décennies, a disparu de tous les discours politiques. Un peu
comme si le XXe siècle par ses si nombreuses atrocités commises,
l’avait définitivement chassée du lexique politique et philosophique.
On peut également faire une
seconde remarque : le mot progrès
a été remplacé par celui de croissance.
Il n’y a pas une journée sans que nous entendions prononcer ce mot, partout,
dans toutes les bouches. Comme si la croissance allait régler nos maux actuels.
Ainsi le concept de progrès qui
pouvait encore concerner toutes les activités humaines et aussi la manière de
vivre et être heureux ensemble, a été réduit à sa plus étroite signification
économique : celle d’une augmentation perpétuelle des productions et des
gains réalisés lors de leurs fabrications.
Or il suffit de lire le récent
dossier réalisé par Jean-Claude Noyé, publié dans le journal La Vie du 4 février dernier pour se
rendre compte que la croissance affichée comme seule solution à nos
difficultés, est un leurre et un malheur pour l’humanité.
Ce dossier de La Vie qui nous aide à avoir une
réflexion de fond sur la question de la croissance, est complet. Il rejoint
aussi la dernière encyclique Laudato Si’ où
le pape François écrit : « L’heure
est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde,
mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres
parties. ». Oui l’heure est venue d’accepter une certaine décroissance,
car il y a danger pour l’homme si il continue dans cette voie qui a pour
corollaire l’abandon de plusieurs milliards d’individus sur terre, inexistants
et laissés pour compte.
Les manifestations paysannes de
cette semaine, comme le désarroi des organisations syndicales face à
l’offensive libérale visant à déshabiller le droit du travail, en sont les
preuves concrètes révélées chaque jour. Car au mot croissance, doit être joint
celui de compétitivité, ou encore compétition et égoïsme qui entraînent de fait :
pillage, destruction et exclusion de ceux qui restent au bord du chemin. Tous
ces concepts sont opposés à la fraternité universelle et à l’amour.
Dans quelle société voulons- nous
vivre ?
Voulons nous périr dans les eaux
glacées du calcul froid et égoïste ? Ou bien voulons-nous instaurer une
mondialisation du partage, fondée sur le fait d’appartenir à une même planète ?
Pie XII déclarait :
« La croyance erronée qui fait reposer le salut dans un progrès toujours
croissant de la production sociale est une superstition. »
François Baudin
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