Qu’est-ce
qui se cache sous le masque ? Quand les masques tombent, non seulement la
surprise est au rendez-vous, mais aussi une potentialité de violence inouïe.
Si
on considère que la démocratie parlementaire représentative est un jeu qui ressemble
au théâtre dont l’hémicycle et l'Elysée seraient les scènes ; et si on pense que les élections
sont les moments qui viennent scander la pièce qui se joue : alors, oui,
ce que nous vivons aujourd’hui ressemblent fortement à l’instant où un acteur
principal se dévoile tel qu’il est, tel qu’il a toujours été depuis le début de
l’intrigue : un homme qui faisait semblant d’être ce qu’il n’est pas en
réalité.
Le
masque tombe et soudain la réalité est dévoilée. Elle est celle d’un visage
inconnu, mais qu’on redoutait tout de même depuis le début. L’effet sur le
spectateur est brutal, la violence du réel que rien ne peut arrêter nous
pétrifie. La comédie se transforme en tragédie, celle que l’histoire quitte
rarement. Et nul ne sait comment tout cela finira.
Le
vrai personnage dévoilé, démasqué ne sait plus comment faire. Il gesticule, il
se plaint, il pleure, il en appelle à ses proches. Il crie vengeance. Il est
prêt à tout pour sauver sa face. Il est littéralement confondu devant nous.
Alors
l’auteur de la pièce lui fait dire de grands mots pour donner le change.
Démocratie, peuple souverain, guerre civile, complot, justice immanente. D'une certaine façon les
mêmes mots qu’il disait auparavant, lorsque sa grandeur
était immense. Lorsque pour se distinguer des autres qui nous étaient déjà
connus sous leur masque, il évoquait les références morales, la statue du
commandeur ; celle de De Gaulle par exemple, celui qui surveille de sa hauteur le
déroulement du scénario. Et qui reste toujours là présent dans son absence, car
c’est lui qui a donné le cadre global de l’acte qui se joue.
Pour
le personnage démasqué, évoquer la statue du commandeur n’est plus de mise une fois le masque tombé. Il
faut chercher plus loin, plus haut : Il ne se rendra pas. Il en appelle au
peuple et à sa souveraineté volée.
L’idéologie
devient un montage imaginaire, elle n’est plus qu’un discours qui peine
maintenant à représenter un réel qui échappe. Un réel plus fort que tout
théâtre. Mais la violence du réel est d’autant plus grande que le théâtre en
est l’écart représenté.
Plus
personne ne croit à ce qui nous est dit. On n’a qu’une envie : c’est que
le personnage disparaisse de la scène, qu’il se couvre de cendres, rejoigne son
manoir et y fasse pénitence avec sa Pénélope.
Parce
que le masque est tombé pour l’un d’entre eux, parce que nous ne sommes plus
des ignorants, la pièce pourrait se terminer. Maintenant nous savons que tout
cela n’était qu’un jeu.
Le
réel nu, la vérité nue, se donne par le masque. Le semblant est le principe
même du réel. Alors soudain une nouvelle question nous taraude : qu’en
est-il des autres personnages ? Ne sont-ils pas eux aussi que des
masques ? Est-ce leur vérité de mentir ?
La
force de cette pièce dont nous sommes encore les spectateurs impuissants devient
insupportable car sa violence tragique porte en elle le pire comme le meilleur.
Une
envie soudaine de monter sur la scène nous saisit.
Le
dévoilement doit se poursuivre, notre liberté y est en jeu.
François Baudin
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