La douleur muette de l’animal
Qu’est-ce qu’un être
humain ? Qu’est-ce qu’un animal ?
En cette veille de Pâques, la
question peut paraître saugrenue, voire scandaleuse. Pourtant elle mérite
d’être posée, car lorsque Jésus Christ s’est offert en sacrifice tel un agneau,
la vision que l’homme pouvait avoir des animaux devait changer.
Il a fallu à cet instant
différentier absolument l’homme, sa dignité, sa grandeur, et sa souffrance, de
celles de l’animal qui d’une certaine manière a pu être considéré comme quantité
négligeable, voire comme une machine, une chose sans sensibilité. Un sac de
pommes de terre avait écrit Emmanuel Kant.
Pourtant certains hommes n’ont pu
se résoudre à cette vision de la création. Saint François d’Assise se
caractérisa par son amour infini pour les animaux : les oiseaux, les
poissons, les abeilles, les agneaux et même les loups. On dit qu'il avait une prédilection pour les animaux
souffrants et pour ceux, qui, comme les agneaux, lui rappelaient le Sauveur.
Depuis des siècles, beaucoup de
penseurs dénoncent l’injustice que l’homme fait subir aux bêtes. Michelet nous
explique que si on persécute les animaux, c’est la démocratie qui est
persécutée. Dans son livre « Le silence des animaux », la philosophe Elisabeth
de Fontenay nous montre que la manière dont nous les traitons est un indicateur
de l’état de notre société. Les rapports instaurés avec eux, nous révèlent les
rapports que nous établissons entre nous, les hommes. La manière dont nous
considérons les bêtes a un lien direct avec la manière de traiter notre frère :
racisme, esclavagisme, traite des êtres humains, exploitation, mépris,
exclusion.
Depuis le code napoléonien, les
animaux sont considérés juridiquement comme des biens meubles, comme des choses,
comme si on ne faisait pas de différence entre une chaise et un être vivant.
Or cette semaine, les
parlementaires ont adopté un amendement qui reconnaît les animaux comme des
êtres vivants doués de sensibilité.
Cette initiative parlementaire
est un pas symbolique vers un changement de comportement envers les bêtes.
Cependant les cruautés comme la
corrida, la chasse à courre, les combats de coq, l’abattage rituel, les
pratiques d’élevage intensif, les expérimentations scientifiques, se
poursuivent et ne sont pas remises en cause.
De fait le statut des animaux
n’est toujours pas réglé.
Espérons qu’un jour une grande
loi les concernant soit votée.
Dans quelle société voulons nous
vivre ? Voulons nous transformer toutes choses, tous les êtres vivants en
marchandises dont nous tirons profit ? Voulons nous transformer les
animaux en objets utiles à notre bien être, et aussi en objet de plaisir ?
La vie des animaux nous parle de la nôtre. La souffrance des
bêtes renvoie à notre propre souffrance. Celui qui n’y est pas sensible est sourd.
Celui qui ne la voit pas est aveugle.
Le monde et tous ses habitants sont inséparables.
Le christianisme nous enseigne que par la mort et la
résurrection de Jésus, l’œuvre rédemptrice de Dieu ne concerne pas que
l’humanité, mais toutes choses.
Jour de fête, jour de Pâques : la nature et toutes les
créatures saluent la nouvelle. La grâce du monde renaissant applaudit. Saint
Venance Fortunat écrivait au 6ème siècle dans son hymne
pascal : « Si maintenant les halliers retentissent du ramage des
oiseaux, humble passereau, je chante au milieu d’eux avec amour ».
François Baudin
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