La semaine dernière, l’annonce du
prix Nobel d’économie à Jean Tirole a donné un peu de baume au cœur à la
France. Après le prix Nobel de littérature accordé à l’écrivain français
Patrick Modiano la semaine d’avant, c’est un nouveau rayon de soleil qui a
éclairé pendant une quinzaine de jours une France en proie à une déprime
persistante.
Enfin quelque chose de positif
pouvait nous être accordé. Par ces deux prix, le monde reconnaît que notre pays
compte parmi ses chercheurs et ses hommes de lettres des personnalités susceptibles
d’obtenir la plus grande des récompenses.
Mais au fond que signifie ce prix
donné à Jean Tirole par la Banque de Suède chargée du Nobel d’économie ?
Jean Tirole est un mathématicien,
spécialiste de la micro économie. Il est spécialiste aussi de la théorie des
jeux lorsqu’un agent économique doit optimiser son action. Il est encore le
spécialiste de la puissance du marché qui selon lui doit être régulé avec prudence par la puissance publique. De
fait Jean Tirole est un économiste libéral dans la plus pure tradition
classique.
Le fait que cet économiste soit
en même temps mathématicien nous montre bien la tendance actuelle de plus en
forte de résumer l’économie à des phénomènes naturels, on pourrait presque dire
physiques, dont on peut faire la théorie scientifique et mathématique. Selon la
plupart de ces chercheurs qui dominent actuellement la pensée économique
mondiale, il faut laisser faire la nature, il faut laisser faire la loi du
marché qui finit toujours, par paliers successifs, c'est-à-dire grâce aux découvertes
techniques successives comme aujourd’hui la révolution numérique, par trouver
son équilibre et donner du bonheur à tout le monde.
Résumer l’économie à un jeu libre
et naturel d’acteurs dont on peut faire les équations mathématiques, c’est
oublier l’essentiel de l’économie. C’est oublier que l’économie est une
création humaine qui n’obéit en propre à aucune loi, sauf celle que l’homme lui
donne collectivement et de manière libre.
Livrer l’économie à la pure loi
du marché qui lui serait en quelque sorte extérieure et transcendantale, dont
quelques scientifiques et mathématiciens prétendent nous découvrir les règles,
c’est livrer notre vie quotidienne aux puissances d’argent de ce monde. Et dans
ce cas la liberté est toujours celle du renard dans le poulailler.
Penser a priori que l’économie
obéit à cette loi du marché naturelle ou divinisée, c’est oublier que c’est
l’économie qui est au service de l’homme et non l’homme au service de
l’économie.
Or aujourd’hui on observe que
donner tout le pouvoir à un marché comme si c’était la seule voie de salut
possible, nous conduit à de très grandes difficultés : marchandisation
complète de toute la création, destruction de notre environnement, pauvreté et
chômage de masse…
On dit que Jean Tirole est
l’économiste français qui a l’oreille des Princes qui nous gouvernent.
Laisser le pouvoir de décisions
et donner trop d’influence à ce type d’expert c’est renoncer à la démocratie,
c’est même renoncer à toute forme de civilisation dont le degré ne se mesure
pas au taux de profits, à la rentabilité ou aux cotations boursières, mais dont
le degré se mesure principalement à l'attention que l’homme porte aux plus
faibles : aux malades, aux personnes âgées, aux enfants, aux détenus, aux
chômeurs, aux réfugiés et aux immigrés…
Et le sens de l’économie, son
principal objectif, devrait être d’améliorer les conditions de vie de la
communauté humaine que nous constituons.
François Baudin
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