jeudi 23 octobre 2014

Le libre marché : un renard libre dans un poulailler libre



La semaine dernière, l’annonce du prix Nobel d’économie à Jean Tirole a donné un peu de baume au cœur à la France. Après le prix Nobel de littérature accordé à l’écrivain français Patrick Modiano la semaine d’avant, c’est un nouveau rayon de soleil qui a éclairé pendant une quinzaine de jours une France en proie à une déprime persistante.
Enfin quelque chose de positif pouvait nous être accordé. Par ces deux prix, le monde reconnaît que notre pays compte parmi ses chercheurs et ses hommes de lettres des personnalités susceptibles d’obtenir la plus grande des récompenses.
                                                                                     
Mais au fond que signifie ce prix donné à Jean Tirole par la Banque de Suède chargée du Nobel d’économie ?

Jean Tirole est un mathématicien, spécialiste de la micro économie. Il est spécialiste aussi de la théorie des jeux lorsqu’un agent économique doit optimiser son action. Il est encore le spécialiste de la puissance du marché qui selon lui doit être régulé  avec prudence par la puissance publique. De fait Jean Tirole est un économiste libéral dans la plus pure tradition classique.

Le fait que cet économiste soit en même temps mathématicien nous montre bien la tendance actuelle de plus en forte de résumer l’économie à des phénomènes naturels, on pourrait presque dire physiques, dont on peut faire la théorie scientifique et mathématique. Selon la plupart de ces chercheurs qui dominent actuellement la pensée économique mondiale, il faut laisser faire la nature, il faut laisser faire la loi du marché qui finit toujours, par paliers successifs, c'est-à-dire grâce aux découvertes techniques successives comme aujourd’hui la révolution numérique, par trouver son équilibre et donner du bonheur à tout le monde.

Résumer l’économie à un jeu libre et naturel d’acteurs dont on peut faire les équations mathématiques, c’est oublier l’essentiel de l’économie. C’est oublier que l’économie est une création humaine qui n’obéit en propre à aucune loi, sauf celle que l’homme lui donne collectivement et de manière libre.
Livrer l’économie à la pure loi du marché qui lui serait en quelque sorte extérieure et transcendantale, dont quelques scientifiques et mathématiciens prétendent nous découvrir les règles, c’est livrer notre vie quotidienne aux puissances d’argent de ce monde. Et dans ce cas la liberté est toujours celle du renard dans le poulailler.

Penser a priori que l’économie obéit à cette loi du marché naturelle ou divinisée, c’est oublier que c’est l’économie qui est au service de l’homme et non l’homme au service de l’économie.

Or aujourd’hui on observe que donner tout le pouvoir à un marché comme si c’était la seule voie de salut possible, nous conduit à de très grandes difficultés : marchandisation complète de toute la création, destruction de notre environnement, pauvreté et chômage de masse…

On dit que Jean Tirole est l’économiste français qui a l’oreille des Princes qui nous gouvernent.
Laisser le pouvoir de décisions et donner trop d’influence à ce type d’expert c’est renoncer à la démocratie, c’est même renoncer à toute forme de civilisation dont le degré ne se mesure pas au taux de profits, à la rentabilité ou aux cotations boursières, mais dont le degré se mesure principalement à l'attention que l’homme porte aux plus faibles : aux malades, aux personnes âgées, aux enfants, aux détenus, aux chômeurs, aux réfugiés et aux immigrés…
Et le sens de l’économie, son principal objectif, devrait être d’améliorer les conditions de vie de la communauté humaine que nous constituons.


François Baudin 

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