Face à la situation en
méditerranée où 1200 migrants sont morts noyés en quelques jours, la réunion
des chefs d’Etat européen, jeudi dernier, a accouché d’un vide sidéral. Rien
sinon un renforcement de la surveillance des frontières, sinon un projet
guerrier contre les bateaux des passeurs, projet que la France va s’empresser de
proposer à l’ONU. Nous restons ainsi dans une logique de guerre.
Face à cette situation terrible,
l’Europe refuse d’appliquer le droit d’asile. Voilà le premier visage du crime.
Les chefs d’Etat refusent d’appliquer ce que nos pays ont pourtant signé. Et
tout sera fait par l’Europe pour contrecarrer le droit d’asile. Quelle
hypocrisie lorsque cette semaine la France commémore le centenaire du génocide
contre les Arméniens et se rengorge quotidiennement du fait que nous avons
accueilli au début du 20e siècle des milliers de persécutés sur
notre sol.
Le seul tort de ceux qui
aujourd’hui fuient l’enfer et se noient, est de vouloir faire appliquer le
droit d’asile.
Toute la semaine, les chefs des
gouvernements européens ont mis en accusation les passeurs, nommés trafiquants
d’être humains. Il est facile de reporter et camoufler ses propres
responsabilités sur d’autres, nommés trafiquants. Cela relève du mensonge et de
la manipulation. Ces soi-disant trafiquants sont devenus des alibis pour les gouvernements
européens. Alibis pour poursuivre leur politique criminelle.
En aucun cas il ne s’agit de trafic
d’être humains, comme la prostitution ou l’esclavage qu’une mafia organiserait
pour son plus grand profit. Faut-il rappeler que tout trafic d’êtres humains
est organisé sous la contrainte. Ici aucune contrainte. Les migrants fuient
leur pays. Et c’est cette fuite désespérée vers l’Europe que des cartels
organisent comme une nouvelle opportunité criminelle à saisir. Les migrants
sont la proie de criminels qui saisissent une opportunité. Mais cette
opportunité, c’est l’Europe qui en est responsable, c’est l’Europe qui l’a
créée.
Que fuient ces hommes?
Ils fuient la misère, les
violences, les guerres, les bombardements, les dictatures… Ils fuient l’enfer.
Ils fuient le désastre libyen que
nous avons causé par nos bombardements.
Ils fuient l’anarchie syrienne
que nous avons attisée par notre politique de soutien militaire auprès des islamistes.
Ils fuient l’Afghanistan et
l’Irak que nous avons bombardés, déstabilisés, détruits.
Ils fuient les violences, les
dictatures et les misères africaines où nous sommes intervenus militairement
des dizaines et des dizaines de fois pour y maintenir des seigneurs de guerre
et un ordre cannibale, car nos plus grandes multinationales y ont pignon sur
rue et y réalisent des profits fabuleux.
Les accords de coopération et de
partenariats économiques, financiers et monétaires que les différents pays
européens imposent aux pays africains ont produit cette misère esclavagiste qui
afflue aujourd’hui sur les rives méditerranéennes. Qui sont aujourd’hui les
vrais trafiquants, les vrais esclavagistes ?
Les stratégies européennes
postcoloniales ont détruit des régions entières, déstabilisé des pays, attisé
des conflits religieux. Notre politique depuis 30 ans a généré des monstres.
Face à ce drame, les
responsabilités de l’Europe sont immenses, écrasantes.
Tant que la source n’est pas
tarie, tant que les causes réelles de ces drames ne sont pas réduites, un
fleuve infernal charriant des êtres humains continuera de s’écouler dans la mer
méditerranée, et les corps de milliers de nos frères viendront s’échouer sur
nos côtes.
Combien de morts nous faudra-t-il
supporter ?
Nous ne pouvons pas continuer à
nous taire. Nous devons refuser ces crimes.
François Baudin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire