vendredi 9 octobre 2015

Le monde et la violence


Cette semaine nous avons assisté à un véritable déchaînement médiatique contre la dizaine de salariés d’Air France, coupables d’avoir injurié et quelque peu malmené des cadres de la compagnie nationale qui, chemises déchirées, furent obligés de fuir la colère spontanée des salariés en escaladant, à moitié nus, un grillage.
Cette image d’escalade d’une grille nous rappelait inconsciemment celle des milliers de migrants africains sautant par-dessus les barrières à Melilla pour pénétrer dans l’enclave européenne située au Maroc.
Cependant la course effrayée de quelques cadres pèse très peu face aux dizaines de milliers de morts et de disparus en provenance des zones de guerre et de misère.

Déchaînement médiatique ! L’expression n’est pas trop forte. Chacun y est allé de son qualificatif : honte, délinquance, insécurité, pratiques scandaleuses, inacceptables, irresponsables, chienlit, loi du plus fort, loi de la jungle…On se rappelle alors qu’autrefois on nommait Apaches les ouvriers qui osaient revendiquer. La presse de cette époque stigmatisait les plus pauvres, les exclus en y voyant toujours un danger pour l’ordre. Classe laborieuse, classe dangereuse !

Donc cette semaine la question de la violence sociale a été de nouveau posée. Il apparaît clairement qu’aucun dérapage ne sera jamais accepté de la part de ceux qui gouvernent et qui dominent la situation économique. La condamnation est quasi unanime dans la presse et parmi les gouvernants : ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose n’ont que le droit de se taire et de subir, d’accepter. Car le plan de licenciement de plusieurs milliers de salariés d’Air France a été présenté par la direction comme non négociable, à moins d’accepter de travailler plus pour gagner moins dans des conditions de travail qui vont en se dégradant.
Qui parle de la violence de cette annonce de suppression de milliers de postes de travail ?
Qui dit que des dizaines de milliers de personnes se suicident à cause de leur situation économique ?
Où est la violence véritable d’une société qui traite ainsi la personne humaine ?

La direction d’Air France répond qu’elle est aujourd’hui dans l’obligation de licencier massivement son personnel, de baisser les salaires de ceux qui restent et de les faire travailler plus, si elle veut poursuivre son activité. La concurrence internationale, notamment celle des compagnies aériennes du Golfe et des Emirats, oblige Air France à prendre ces mesures anti-sociales sinon c’est l’avenir même de la compagnie qui est en jeu.

Ainsi le processus est établi : la violence contre la direction d’Air France est la conséquence de la concurrence terrible subie par la Compagnie. Cette concurrence est d’une violence extrême actuellement. Et cette concurrence de tous contre tous est aujourd’hui le seul mode de régulation économique proposé par notre société mondialisée. Du coup c’est toute une chaîne de violence qui nous est dévoilée cette semaine grâce à l’action de quelques salariés d’Air France.

En fait la violence, la loi de la jungle, la loi du plus fort, du plus malin, du moins disant, avec ses terribles conséquences pour nous en Europe, mais aussi au Moyen Orient, en Afrique, traverse toute la société telle qu’elle est défendue par ceux qui gouvernent le monde.
Prétendre que la mondialisation pratiquée actuellement rime avec démocratie véritable, avec règlement pacifique des conflits, avec paix dans le monde est une erreur, une hypocrisie et même un mensonge.
La concurrence généralisée entre les entreprises, est une autre façon de continuer la guerre de tous contre tous.
Cette façon de voir les rapports économiques et sociaux entre les hommes est porteuse de violence dans le monde que les salariés européens subissent de plein fouet actuellement. Et cette violence mondialisée aboutit naturellement comme s’il s’agissait d’un dernier maillon d’une chaîne, à la violence relativement modérée de quelques salariés d’Air France contre une direction venue leur annoncer leur destin malheureux.
Brisons cette chaîne de la violence et bâtissons un autre monde, non plus fondé sur la concurrence, la loi du plus fort, en définitive sur la guerre. Bâtissons un monde de paix et de justice. C’est possible !


François Baudin

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