Cette
semaine nous avons assisté à un véritable déchaînement médiatique contre la
dizaine de salariés d’Air France, coupables d’avoir injurié et quelque peu
malmené des cadres de la compagnie nationale qui, chemises déchirées, furent obligés
de fuir la colère spontanée des salariés en escaladant, à moitié nus, un
grillage.
Cette
image d’escalade d’une grille nous rappelait inconsciemment celle des milliers
de migrants africains sautant par-dessus les barrières à Melilla pour pénétrer
dans l’enclave européenne située au Maroc.
Cependant
la course effrayée de quelques cadres pèse très peu face aux dizaines de
milliers de morts et de disparus en provenance des zones de guerre et de
misère.
Déchaînement
médiatique ! L’expression n’est pas trop forte. Chacun y est allé de son
qualificatif : honte, délinquance, insécurité, pratiques scandaleuses,
inacceptables, irresponsables, chienlit, loi du plus fort, loi de la jungle…On
se rappelle alors qu’autrefois on nommait Apaches
les ouvriers qui osaient revendiquer. La presse de cette époque stigmatisait
les plus pauvres, les exclus en y voyant toujours un danger pour l’ordre. Classe laborieuse, classe dangereuse !
Donc
cette semaine la question de la violence sociale a été de nouveau posée. Il
apparaît clairement qu’aucun dérapage ne sera jamais accepté de la part de ceux
qui gouvernent et qui dominent la situation économique. La condamnation est
quasi unanime dans la presse et parmi les gouvernants : ceux qui n’ont rien ou pas
grand-chose n’ont que le droit de se taire et de subir, d’accepter. Car le plan
de licenciement de plusieurs milliers de salariés d’Air France a été présenté
par la direction comme non négociable, à moins d’accepter de travailler plus
pour gagner moins dans des conditions de travail qui vont en se dégradant.
Qui
parle de la violence de cette annonce de suppression de milliers de postes de
travail ?
Qui dit
que des dizaines de milliers de personnes se suicident à cause de leur
situation économique ?
Où est
la violence véritable d’une société qui traite ainsi la personne humaine ?
La
direction d’Air France répond qu’elle est aujourd’hui dans l’obligation de
licencier massivement son personnel, de baisser les salaires de ceux qui
restent et de les faire travailler plus, si elle veut poursuivre son activité.
La concurrence internationale, notamment celle des compagnies aériennes du
Golfe et des Emirats, oblige Air France à prendre ces mesures anti-sociales
sinon c’est l’avenir même de la compagnie qui est en jeu.
Ainsi
le processus est établi : la violence contre la direction d’Air France est
la conséquence de la concurrence terrible subie par la Compagnie. Cette
concurrence est d’une violence extrême actuellement. Et cette concurrence de
tous contre tous est aujourd’hui le seul mode de régulation économique proposé
par notre société mondialisée. Du coup c’est toute une chaîne de violence qui
nous est dévoilée cette semaine grâce à l’action de quelques salariés d’Air
France.
En fait
la violence, la loi de la jungle, la loi du plus fort, du plus malin, du moins
disant, avec ses terribles conséquences pour nous en Europe, mais aussi au
Moyen Orient, en Afrique, traverse toute la société telle qu’elle est défendue
par ceux qui gouvernent le monde.
Prétendre
que la mondialisation pratiquée actuellement rime avec démocratie véritable,
avec règlement pacifique des conflits, avec paix dans le monde est une erreur,
une hypocrisie et même un mensonge.
La
concurrence généralisée entre les entreprises, est une autre façon de continuer
la guerre de tous contre tous.
Cette
façon de voir les rapports économiques et sociaux entre les hommes est porteuse
de violence dans le monde que les salariés européens subissent de plein fouet
actuellement. Et cette violence mondialisée aboutit naturellement comme s’il
s’agissait d’un dernier maillon d’une chaîne, à la violence relativement modérée de quelques
salariés d’Air France contre une direction venue leur annoncer leur destin
malheureux.
Brisons
cette chaîne de la violence et bâtissons un autre monde, non plus fondé sur la
concurrence, la loi du plus fort, en définitive sur la guerre. Bâtissons un
monde de paix et de justice. C’est possible !
François
Baudin
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