« C’est de l’enfer des
pauvres qu’est fait le paradis des riches », écrivait Victor Hugo dans L’homme qui rit.
La tragédie de Lampedusa n’a pas
encore fini d’envoyer son message jusqu’à nous. Chaque jour de cette semaine le
nombre d’Africains extraits du fond du bateau englouti, a augmenté ; et le
drame est devenu insoutenable. Un drame mondial. Ils sont maintenant plus de
300 noyés dont 83 femmes et 9 enfants.
L’Europe rêvée par ces immigrés
est un cauchemar, et les eaux bleues de la méditerranée sont devenues leur
tombeau. Misère de l’immigration, émigration de la misère….
Selon des estimations, depuis
1999, plus de 200.000 migrants ont transité par Lampedusa. De nombreuses
personnes y trouvent la mort régulièrement en cherchant à rejoindre cette île.
L'an dernier, 500 personnes ont ainsi péri en mer. Mais il est d’autres
endroits en méditerranée, Ceuta et Melilla enclaves coloniales européennes au
Maroc, prisons pour Africains.
On estime à 20 000 le nombre
de morts devant les remparts de l’Europe depuis le début des années 90, dont
peut-être 10 000 disparus en mer. On ne sait pas exactement. D’ailleurs qui s’intéresse
véritablement à ces êtres humains dont la vie ne compte pas ?
Combien de morts devront nous
atteindre pour qu’enfin une vraie réponse soit apportée par ceux qui dirigent
les pays européens ?
Jusqu’à aujourd’hui seule une
réponse de type policière est mise en avant. C’est la guerre qui est déclarée
par les autorités. Cette guerre est menée par Frontex, une entreprise à moitié
privée et donc à but lucratif. Guerre que cette agence européenne voudrait nous
faire passer comme humanitaire. Guerre contre les pauvres, guerre contre les
immigrés, contre les réfugiés qualifiés par les autorités d’illégaux ou
clandestins, d’indésirables, pour mieux les stigmatiser et les combattre.
L’Union européenne a déclaré la
guerre contre les pauvres du monde entier. Et le commissaire Barroso est venu
cette semaine à Lampedusa pour nous le rappeler en augmentant les moyens
financiers attribués à Frontex.
Comment nommer autrement que par
le mot guerre, la mise en place de
dispositifs destinés à
repousser celles et ceux que la misère et les persécutions chassent de chez eux
?
Ainsi Frontex déploie ses
navires, ses hélicoptères, ses avions, ses radars, ses caméras thermiques et
bientôt ses drones en méditerranée, non pas pour sauver des vies humaines comme
cette agence voudrait nous le faire croire, mais pour combattre toute incursion
sur le territoire européen.
Comment nommer autrement que par
le mot guerre contre les pauvres, la
collaboration imposée par l’Europe à la Libye, l’Algérie, la Tunisie ou le
Maroc – afin qu’ils jouent le rôle de garde-chiourmes. La méditerranéenne est
une des zones les plus surveillées du monde où périssent pourtant des dizaines
de milliers de personnes. Est-ce possible ?
Comment comprendre ce monde qui
promeut la libre circulation des biens et pousse à la circulation incessante de
la finance internationale, alors qu’il ferme ses frontières aux hommes et au
femmes ? N’y a-t-il pas là comme un parfum de scandale ? L’homme vaut-il
moins qu’une marchandise ?
Avons nous perdu le sens de la responsabilité fraternelle,
demandait le pape François en juillet dernier à Lampedusa. Dans ce monde de la
mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence.
Aujourd’hui il y a une nécessité urgente à faire cesser le
pillage des richesses africaines fondé sur la guerre et la corruption, et
urgence également à travailler au développement intégral de l’Afrique.
François Baudin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire