vendredi 4 septembre 2015

Au secours !


J’aurai mille fois préféré ne pas revenir cette semaine encore, comme la semaine dernière, mais aussi depuis des années, sur la tragédie des réfugiés qui viennent mourir chez nous, ou à notre porte. J’aurai préféré ne pas parler des malheureux qui arrivent à passer malgré les barbelés, les murs, malgré la mer, cette barrière redoutable où les hommes disparaissent. J’aurai préféré ne pas parler de cet enfant gisant mort sur la plage, la joue tendrement posée pour l’éternité sur le sable blond.
Cette photo insoutenable est venue hanter nos consciences depuis deux jours.
Insoutenable, oui tel est bien le mot que nous devons employer encore.
Ces images de la détresse, ces informations quotidiennes sur le malheur des hommes, sont insoutenables à quiconque.
Certains ont écrit que l’on ne peut pas bâtir une politique sur l’émotion. Mais sur quoi, à partir de quoi alors peut-on le faire lorsque la guerre vient jusqu’à nous ?
D’autres, et souvent les mêmes, ont dit ou écrit qu’on ne peut pas publier ce genre de photo, trop violente, trop dure à voir.
N’oublions pas que les crimes commis collectivement ou par un Etat conscient de les commettre nous furent soigneusement cachés pendant des décennies. Si nous avions pu connaître le destin terrible réservé aux Juifs ou aux Tziganes dans les camps nazis, il est certain que le sort de la guerre eût été différent. Le projet génocidaire entrepris par les Nazis devait rester un secret d’Etat. Aucune photo ne devait filtrer. Pourquoi ? Parce que la force des images a la puissance de faire changer le cours des choses.
Aujourd’hui, à travers toutes ces informations accompagnées d’images, plus personne ne peut ignorer la tragédie.

Alors la réponse pour certains qui se font passer pour des individus responsables, reprennent en coeur : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Oubliant le deuxième segment de cette fameuse phrase : « oui certes, on ne peut accueillir toute la misère, mais on peut y prendre notre part ». Et c’est bien ce qui est demandé : prendre sa part de misère, accueillir dignement ceux qui sont obligés de partir, de quitter leur foyer, même pour des raisons économiques.

D’autres, et je l’ai lu dans des journaux bien pensant, prétendent que nous ne sommes en rien responsables de toutes ces tragédies.
 Quoi répondre ?
Tout d’abord que l’homme est toujours responsable de ce que vit son frère à côté de lui. Caïn interrogé par son Dieu qui lui demande où est passé son frère Abel, répond : « Suis-je le gardien de mon frère ? »
Alors nous répondons contrairement à Caïn, que nous sommes responsables de tout ce qui concerne l’être humain, et il est du devoir de tout homme d’être le gardien de son frère, comme d’être le gardien de la création.
Et puis, s’il y a des responsabilités à établir sur la phase historique que nous vivons actuellement, celles de l’Europe, de la France, de la Grande Bretagne, de l’Allemagne, sont écrasantes.
Nous sommes responsables du point de vue des rapports commerciaux que nous imposons à l’Afrique et qui ne font que renforcer les inégalités, le pillage de régions entières, l’exploitation des richesses naturelles que ce continent contient. La misère actuelle en Afrique vient de là, elle s’appuie aussi sur la corruption locale que nous encourageons par nos pratiques prédatrices.
Deuxièmement, nos interventions militaires directes et le soutien apporté à certaines factions violentes n’ont fait que déstabiliser, voire détruire des régions entières, faire disparaître des pays en proie aujourd’hui à des guerres terribles.
Nous sommes les principaux responsables de la situation au Moyen Orient. A travers les chroniques que j’écris depuis 10 ans, je n’ai fait que répéter ce point de vue et annoncer le malheur que nous vivons aujourd’hui. Tout était prévisible depuis l’intervention en Irak en 2003.
Nous sommes dans l’obligation de secourir les abandonnés de la terre. La tragédie de la seconde guerre mondiale ne doit pas se répéter.

François Baudin

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