vendredi 17 juin 2016

Chronique d’une catastrophe annoncée


L’image qui me vient à l’esprit cette semaine est celle d’une immense et haute montage qui nous domine de sa puissance indomptée, et où, sur les sommets glacés et isolés où règnent l’égoïsme, une tempête terrible a lieu et que nous n’entendons même pas.
Ici dans la vallée, le calme règne encore et nous vaquons à nos occupations. Mais ce calme est trompeur. Une dernière insouciance, faite de divertissements multiples, nous cache le danger imminent alors que déjà des milliers et des milliers de torrents dévalent les pentes abruptes emportant tout sur leur passage étroit.
Mais bientôt les torrents se rassemblent et forment une vague d’eau irrésistible qui balayera chacun.
Voilà l’image que nous pouvions avoir cette semaine dans notre esprit..

Les hooligans et leur violence gratuite autour des stades de football transforment le divertissement en cauchemar et rappellent que le sport qui peut être la plus belle des activités humaines, est devenu un monde violent sans droit où règnent l’argent, le dopage et la corruption.
Va-t-on interdire l’Euro de foot au prétexte de la violence ?
Un meurtre de masse au Etats-Unis rappelle que ce pays où il est possible de se promener armé dans les rues, a une longue histoire de crimes et d’intolérance. Une histoire fondée aussi sur un génocide et sur une immense et massive déportation d’esclaves. Mais va-t-on condamner un peuple au prétexte d’errements de quelques-uns ?
Le meurtre terrible d’un couple de policier en France par un fou furieux qui prétend agir au nom d’une religion qui aurait armé son bras. Mais va-t-on interdire l’Islam dans notre pays et emprisonner tous les Musulmans ? Certains animés par la haine xénophobe et raciste le souhaitent ardemment.
La violence sociale autour des manifestations contre la loi El Khomeri. Une violence minoritaire qui n’a rien à voir avec les revendications et vient perturber et cacher le message porté par des centaines de milliers de grévistes qui manifestent pacifiquement pour la défense de leur droit. Mais va-t-on interdire les manifestations et le droit de grève ? Certains apprentis dictateurs, le souhaitent, renonçant ainsi à un siècle et demi de droits démocratiques et sociaux.

Cette impression que tout actuellement s’accélèrent et risquent de se rassembler en une sorte de mælstrom auquel rien de résiste, domine maintenant dans nos esprits. Une petite étincelle suffira-t-elle à enflammer l’ensemble ?

Mais d’où vient toute cette violence ? D’où vient toute cette haine ?
Elle vient de loin. Elle vient de ces longues décennies où le mot d’ordre généralisé fut : dérégulation, libéralisation, concurrence mondialisée, individualisme, pillage des richesses de la planète, destructions de pays entiers. N’oublions jamais que depuis le 11 septembre 2001, ce sont peut-être plus de 2 millions de personnes qui sont mortes dans les guerres multiples menées au nom de la démocratie et de la sécurité. N’oublions pas que des millions et des millions de gens sont chassés de chez eux et errent sur les routes de l’exode, ou se noient dans les mers. N’oublions pas que des millions de personnes sont sans travail dans le monde et n’ont aujourd’hui plus aucun espoir d’en trouver.
Ces violences multiples sont des révélateurs d’une immense détresse. Il est plus qu’urgent de tous y remédier et de remettre de manière massive de la justice, du droit, de l’égalité, de l’amour dans cette situation de tous les dangers.  

François Baudin

vendredi 10 juin 2016

Sport, mafia et corruption

Du pain et des jeux (2)

Le football réunit et passionne des milliards d’individus. Il n’existe aucun sport équivalent capable de donner autant de joie au plus grand nombre.
Le football est probablement aussi le sport qui draine le plus d’argent dans le monde : des milliards et des milliards sont échangés pour assister aux matchs, au spectacle, voir sur les écrans des télévisions les vedettes du ballon rond courir pendant 90 minutes.
L’argent coule à flot des grandes entreprises multinationales pour sponsoriser une équipe ou une compétition.
L’argent s’échange par milliards pour parier sur une équipe contre une autre. La corruption, le dopage, la triche règnent en maître.Les compétitions internationales sont des zones de non droit. 
Le système sportif prend singulièrement l’odeur des égouts, des bas fonds, de la mafia. L’odeur de l’argent.

L’Euro de foot débute cette semaine en France. Mais sera-t-il placé sous le signe de la fête ?
Pour celui, conscient du système corrupteur qui triomphe dans le sport, probablement pas !
Mais la fête doit avoir lieu malgré tout. Du pain et des jeux comme divertissement. Le gouvernement est même prêt, face aux grèves qui risque de perturber la compétition, à réquisitionner les grévistes. Ces réquisitions seront-elles légales ? Le droit de grève devra-t-il reculer face à l’impératif ludique ?
Il faut que les jeux aient lieu. Il faut oublier, se divertir d’un monde difficile, un monde qu’un grand nombre ne veut plus. L’expression d’origine latine, du pain et des jeux, dénonce la domination de tous les pouvoirs sur les populations par le spectacle du cirque. Le jeu dans ces conditions peut être à juste titre considéré comme l’opium du peuple, afin de calmer les populations, d’endormir les individus et d’annihiler ainsi toutes volontés de changement et de justice.
Une manière qu’on qualifierait aujourd’hui de démagogique ou de populiste ; une façon d’asseoir et faire durer tout pouvoir en place.

Le sport est un révélateur de nos mœurs. Un révélateur de notre société dominée par l’argent. Dominée aussi par les idées identitaires et nationalistes. L’affaire Benzema en est la preuve puisque le débat sur la constitution de l’équipe de France a porté sur cette question du racisme et de la xénophobie. Sur cette question de la haine des banlieues d’où viennent la plupart des joueurs.

Comment faire pour que le sport devienne ce qu’il devrait être : un partage, une joie, la réalisation et le dépassement de soi, individuellement ou collectivement.
Pour atteindre cette finalité de haute valeur morale, l’argent doit absolument être interdit des stades et des épreuves.
Le scandale dans le football mondial, comme celui de l’organisation des jeux olympiques, comme celui du cyclisme, sont un signe des temps ; signe d’un monde en décomposition. Seul un contrôle démocratique pourra remédier aux errances du sport et à ses malversations.
Le problème du sport est politique, économique et social. Cette semaine, cela est plus qu’évident.
Cette question du sport nous concerne tous, car il s’agit probablement d’une des plus belles activités humaines, joyeuse et gratuite, qui a été diaboliquement détournée et transformée en son contraire.

François Baudin 

vendredi 3 juin 2016

Vive la politique


Il apparaît évident que le retour de la question sociale en France et aussi dans d’autres pays d’Europe, comme actuellement en Belgique où un puissant mouvement contre la réforme du droit du travail est en cours, chasse à l’arrière plan les débats sur l’identité, la sécurité, le terrorisme ou la fanatisme religieux. Débats qui font le lit des mouvements xénophobes, racistes, comme des votes extrémistes et démagogiques.
Car le repli identitaire, le danger terroriste, la tentation du fanatisme ne sont tout compte fait que des symptômes ou des conséquences des difficultés économiques et sociales qui traversent le monde contemporain.
Un peu comme si toutes ces questions liées à la sécurité et à l’identité, n’étaient là que pour cacher l’essentiel qui est la cause de tous les maux actuels. L’essentiel se nomme la pauvreté grandissante en Europe, l’abandon de pans entiers de la société, de régions entières, l’exclusion d’une partie de plus en plus importante de la population quelle que soit son origine et quel que soit le pays concerné ; l’essentiel se nomme l’exclusion sociale, la précarité placée comme horizon indépassable pour la jeunesse comme pour d’autres catégories des populations.
La question sociale qui touche une partie importante des habitants de nos régions européennes, a le mérite, si nous en prenons conscience, de nous ouvrir vers un autre horizon, au-delà de nos propres frontières, de nos différentes nations. Car les mouvements sociaux qui se présentent en Allemagne, en Angleterre, en Espagne ou en Italie, sont les mêmes que les nôtres, ils ont les même causes : précarité, régression sociale, chômage, absence de droits, ou bien volonté manifeste de les diminuer encore au nom d’une rentabilité économique toujours plus pressante.
Dès qu’on parle social, condition de vie et condition de travail, immédiatement une forme d’universalité s’ouvre à nous. L’horizon international, celui qui nous fait penser que les hommes sont tous pareils au-delà de leur différence et de leur nationalité, est le plus souvent ouvert par la question sociale.
Dernièrement un sondage commandité par le journal La Croix rappelait que les Français aimaient la politique, s’y intéressaient, alors que beaucoup de commentateurs pensaient que la politique était morte.
Mais de quelle politique s’agit-il ? Probablement pas de la politique politicienne qui est de fait massivement rejeté par les gens. Les taux recors d’absentions à chaque élection sont bien là pour nous le dire. Non si les Français aiment la politique, s’ils ont le désir de la politique, c’est plutôt de cette passion de l’engagement dont il est question. Engagement en direction de ce qui les meut au plus profond : une aspiration a vivre autrement face à un contexte social difficile constitué de galères permanentes, de difficulté de vivre. Et justement les débats autour de la loi travail et les différentes mobilisations que cette loi a provoquées, sont des puissants moteurs de ce qui est l’essence même du politique : comment nous organiser autrement ? Comment résoudre collectivement nos difficultés ? comment construire une autre démocratie plus participative et plus directe ; une démocratie qui tienne compte des réalités vécues par une majorité de citoyens ?
C’est bien un besoin de ré-enchanter la politique qui s’exprime actuellement dans les Nuits debout, comme à travers les milliers d’initiatives qualifiées parfois de citoyennes, qui est aujourd’hui à l’ordre du jour.
La lente descente historique et pluri décennale qui s’est caractérisée par l’égoïsme, le calcul froid, le triomphe de l’intérêt individuel, l’ultra libéralisme et le repli identitaire, semble terminée. On a l’impression qu’un autre cycle se met en route dans le monde entier.
En France, les récentes mobilisations contre le projet de loi El Khomri ont peut-être remis les choses dans un autre sens.
La politique est morte, vive la politique.


François Baudin