vendredi 18 mars 2016

Ecoutons-les !


Même pour un observateur attentif de l’information, il est difficile de prendre conscience du mouvement qui traverse actuellement la jeunesse. Très peu de médias expliquent que le refus de la loi El Khomeri est général et massif chez les moins de 25 ans.
Aujourd’hui il est quasiment impossible d’entendre un jeune s’exprimer contre le projet de loi, qui est plutôt présenté comme l’unique solution contre la précarité. Car selon le pouvoir, la loi est justement faite pour eux, pour les jeunes, massivement victimes de la précarité, des CDD et des stages à répétition. Les jeunes sont donc bien ingrats de refuser ce qu’on leur donne pour leur bien. A moins d’être manipulée par des politiciens prêts à en découdre, on nous explique en fait que la jeunesse ne sait pas ce qu’elle veut, ni ce qu’elle fait.
Mais c’est mépriser les jeunes que de penser ainsi.
Selon le gouvernement cette loi est faite pour que les jeunes puissent entrer plus facilement sur le marché du travail. L’idée est celle-ci : afin d’aider la jeunesse contre la précarité, on précarise encore plus l’ensemble des salariés.
Qui peut croire une chose pareille ? Qui peut croire qu’en précarisant un peu plus, c’est à dire en permettant aux entreprises de licencier plus facilement, on sécurise l’emploi. Toutes les statistiques nous montrent l’inverse, et le chômage qui s’est développé si massivement au cours de la dernière période, est bien là pour nous le démontrer.
L’autre idée est de dire : en facilitant les licenciements, on soulage les entreprises de leur peur d’embaucher et donc elles embaucheront. Ce type qui d’argument prône la précarité pour lutter contre la précarité, est le même que le précédent, il est captieux et relève de la rhétorique.
Une entreprise n’embauche jamais à cause d’une opportunité qui lui est donnée par un dispositif législatif particulier. Une entreprise n’embauche que si son carnet de commande lui permet, quel que soit le dispositif législatif en vigueur. Et l’exemple de l’Espagne, de l’Italie et de l’Allemagne, pays qui auraient effectué les reformes indispensables permettant comme on dit de fluidifier le marché du travail, est un très mauvais exemple.
Oui des emplois ont été créés, mais des emplois d’une très grande précarité et sous-payés, alors que d’autres mieux payés et plus stables ont tout simplement disparu. La situation dans ces pays n’est pas différente de celle qui existe en France, sauf que la proportion du nombre de salariés pauvres et de personnes laissées pour compte y est plus grande qu’en France.
Une société à deux vitesses est en projet. Projet qui est en cours de réalisation.
Une société où une partie très importante de la jeunesse est la variable d’ajustement et l’armée de réserve permettant de faire pression sur l’ensemble des salariés.
Une société divisée où chacun se trouve en compétition avec l’autre. Une société de la concurrence généralisée où les moins chanceux, les moins diplômés, les plus en difficulté le sont encore plus. Une société en miette. Une société où la peur du lendemain va étreindre chacun d’entre nous, où on nous obligera à vivre dans l’insécurité économique permanente. Une société kleenex.
Cette société, personne n’en veut véritablement. C’est pourtant celle qui nous est proposés et que la jeunesse refuse massivement.
Les hommes dans leur grande majorité préfèrent la solidarité et la coopération et on les comprend bien.
Les jeunes nous disent : On vaut mieux que ça !
Saura-t-on les écouter ?

François Baudin 

jeudi 10 mars 2016

On vaut mieux que ça




Le projet de loi sur la réforme du code du travail sera peut-être le projet de trop pour un quinquennat vieillissant. Ce projet sera-t-il la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Un peu comme si l’erreur commise par une équipe gouvernementale sur le déclin, dernier geste d’un pouvoir en sursis pour une année encore, devait précipiter un mouvement historique que tant de gens attendent en France.
Le retour du social sur le devant de la scène de l’actualité va-t-il chasser en arrière plan, là où ils auraient dû rester, les débats sur l’identité, le fanatisme religieux, les débats sur la déchéance de nationalité, la sécurité. Car ce qu’on nomme le repli identitaire, le terrorisme, la tentation du fanatisme religieux ne sont tout compte fait que des symptômes ou des conséquences des difficultés économiques et sociales qui traversent le monde aujourd’hui.
Un peu comme si toutes ces questions n’étaient là que pour nous cacher l’essentiel qui est la cause de tous nos maux actuels : la pauvreté grandissante et l’exclusion d’une partie de plus en plus importante de la population, la précarité placée comme horizon indépassable pour la jeunesse, la défiance à l’égard des salariés.
Depuis une vingtaine d’années, on veut faire croire à l’opinion publique qu’en libérant les entreprises de toutes contraintes, de tout contrôle, en rendant précaire de plus en plus de monde, en sous-payant les salariés, en augmentant la durée du temps de travail, en intensifiant les conditions et les productivités, en méprisant toutes revendications, en les considérant comme infondées et même dangereuses pour l’avenir des entreprises, oui on veut faire croire que tout cela entrave la liberté d’entreprendre, gène le développement économique, empêche la croissance, et en définitive provoque encore plus chômage et difficulté pour la population.
Ainsi il est montré quotidiennement, notamment dans les grands médias, que les salariés en France n’ont aucun courage, qu’ils ne comprennent pas les difficultés des entreprises, qu’ils sont égoïstes, frileux et même pour la plupart fainéants. Que ce sont des irresponsables prêts à sacrifier l’intérêt général pour leur propre bien-être.
Le projet de loi El Komri reposait en définitive sur toutes ces idées qui circulent depuis tant d’années. L’idée selon laquelle les salariés en France sont les derniers inadaptés de notre société face au défi de la mondialisation. Ceux qui refusent le projet El Komri répondent simplement « On vaut mieux que ça ».

Le gouvernement en ce début de printemps 2016 a cru que le fruit était mur et qu’il allait tomber : les salariés allaient enfin céder globalement et massivement aux injonctions libérales, obéir, se soumettre au dictat, devenir malléables, corvéables et isolés. Affaiblis qu’ils étaient déjà par tant d’années d’offensives idéologiques et de manipulations.

Mais les récentes mobilisations contre le projet de loi El Khomri ont peut-être remis les choses dans un autre sens.
Des milliers et des milliers de salariés, de jeunes, d’étudiants se mettent à échanger sur les réseaux sociaux sur leurs conditions de vie, sur leurs difficultés. Une colère monte, elle traverse le pays, les quartiers, les entreprises, les facultés, les villages. Le réel est de retour. Et un grand nombre souhaite en être partie prenante.
Espérons que ce mouvement accouche d’un projet présentant une alternative possible à ce que nous vivons depuis trop longtemps dans nos pays.


François Baudin