vendredi 27 mai 2016

Seul contre le printemps

Est-il possible de gouverner un pays seul contre tous ? Oui probablement à coup de 49. 3, d’autoritarisme, de coups de menton, de déclarations péremptoires, d’invectives, de répressions, d’évacuation de lieux de travail, de places publiques où se manifeste un mécontentement de plus en plus grand.
Mais ce type de gouvernement ne tient jamais longtemps, car contre lui il trouve une opinion de plus en plus remontée. Le pouvoir aujourd’hui est marqué par les stigmates de l’échec. La méthode employée actuellement est un nouvel accroc dans le tissu démocratique du pays, déjà bien malmené. La France aspire à autre chose, à une autre démocratie où les gens concernés par les décisions devraient avoir voix au chapitre.

Et puis lorsqu’on est seul, le risque aussi est de voir que dans ses propres rangs, des fissures commencent à apparaître : absence de majorité véritable, disparition d’une cohérence interne de l’équipe qui commande, confusion, crispation et paroles malheureuses qui viennent contredire ce pour quoi ceux qui gouvernent ont été élus.

Que voit-on depuis quelques jours en France ? : Une forme de radicalisation qui annonce rien de bon pour la paix social.
Le mouvement contre la loi travail ne faiblit pas, au contraire il prend même encore plus d’ampleur cette semaine. Il s’étend dans certains secteurs : transport, industrie du pétrole, énergie, toutes ces activités essentielles au fonctionnement d’un pays.
Le bras de fer est lancé. Un véritable défi pour le pouvoir de plus en plus aux aguets.
Cette loi que tant de gens directement concernés par elle, trouve détestable : personne n’en veut. Personne ne croit qu’elle donnera plus de bonheur, plus de bien-être aux gens, à nos enfants. Personne ne pense qu’elle correspond à un progrès social.

Tout est à revoir : le projet, la méthode, le discours.
Tout est à repenser : notre démocratie, notre façon de gouverner, les fondations mêmes de notre société, notre système économique et social principalement orienté vers la recherche immédiate de profit, le calcul froid et égoïste, la prédation des richesses et l’exploitation intensive de la planète qui ne peut produire que guerres, exodes, malheurs et destructions.
Voilà le message profond transmis par les Nuits debout, par les manifestations diverses qui ne faiblissent pas. Suffit d’aller discuter avec les gens mobilisés.

La véritable signification de ces différents mouvements sociaux est là : elle est dans la recherche d’un monde meilleur, pacifié, harmonieux où règne la fraternité entre les hommes. Un monde qui s’appuie sur le droit et l’égalité. Un monde où seule la personne humaine doit être prise en compte. Un monde de progrès, de rencontre, d’échange entre les hommes.
Aujourd’hui on en est loin, très loin. Mais souvent c’est lorsqu’on a le sentiment que rien ne va, qu’alors les choses s’éclaircissent soudainement, que de nouvelles solutions apparaissent. 

Voilà le sens délivrés par ces différents mouvements. Voilà la véritable espérance.
Notre temps sera-t-il celui de la régression ? Du repli ? Du triomphe de l’égoïsme ?
Le monde dans sa globalité aspire à plus de justice, plus de progrès social, plus de fraternité entre les hommes.
Voilà la modernité d’un monde que tous ces mouvements printaniers annoncent.

François Baudin 

lundi 23 mai 2016

AG de Kairos le 13 juin à 18 et 20 h. à la MJC Pichon à Nancy


Kairos vous invite à son Assemblée Générale annuelle le lundi 13 juin 2016, à la MJC Pichon à 18 et à 20 heures. (7 boulevard recteur Senn à Nancy) ;

l’AG de Kairos est ouverte au public. Vous êtes tous invités. Entrée libre.

L’AG se déroulera en 3 moments.

1) Première partie à 18 heures (ouverte au public) : compte rendu d’activités 2015/2016 : publications, conférences, films, compte rendu financier, orientations pour 2016/2017.

2) Deuxième partie festive à 20 heures (ouverte au public) autour du thème :

AVOIR 20 ANS
Avoir 20 ans, c’est voir le monde avec des yeux neufs et vivre des instants décisifs

Programme de la soirée festive :

Projection du film de Dorothé Myriam Kellou sur la vie de Fernand Nedelec (ancien résistant) : avoir 20 ans en 1940.

Témoignages :
Yvette Weisbecker âgée de 97 ans témoignera de ses 20 ans en 1940 et de ses différents engagements jusqu’à aujourd’hui. Yvette vient de publier chez Kairos : Marche en avant de toi-même.
Malek kellou : avoir 20 ans à Alger au moment de l’indépendance
François Baudin et Gérard Toussaint : avoir 20 ans en 1968. (François Baudin a publié 4 ouvrages chez Kairos : philosophie et poésie)
Claude Vautrin : avoir 20 ans au Chili au moment du coup d’Etat de Pinochet (Claude Vautrin a publié chez Kairos : Grand reporter le pas de côté)
Christian Delon : avoir 20 ans au Brésil à la lumière des mouvements sociaux contre la dictature
Loïc Schneider : avoir 20 aujourd’hui et vivre la Nuit debout. (Loïc Schneider a publié chez Kairos : Poèmes d’un révolté)

Avec des lectures d’Agnès John (poèmes) et de Catherine Mercier (texte sur le printemps)
Et le témoignage d’Antoine Darwiche : avoir 20 ans au Sénégal, au Liban et en France.

Vous êtes tous invités à venir témoigner et échanger sur vos 20 ans, les instants qui ont changé votre vie et orienté vos engagements.
Venez nombreux.


3) Pot partagé entre tous. 

vendredi 20 mai 2016

La violence du monde

Depuis plusieurs semaines, il est évident que la bataille de l’opinion à propos de la loi Travail El Khomri a été perdue par le gouvernement. Une grande majorité de salariés et de jeunes ne veulent pas de cette réforme. Plus de 74 % des Français pensent qu’elle représente un recul social qui ne fera que dégrader les conditions de travail et condamner les salariés à une précarité perpétuelle.
Cette semaine, deux grandes manifestations ont encore mobilisé des milliers de gens qui ont pour la énième fois défilé pacifiquement dans les rues pour exprimer leur refus.
Devant ce refus de la population, le gouvernement ne peut que passer en force avec le fameux 49-3. On a alors l’impression que le pouvoir joue le pourrissement. Un climat délétère s’installe dans le pays et des violences urbaines viennent perturber les mobilisations et choquer les esprits.

A cette violence, l’Etat naturellement de par sa nature même, répond de façon identique : par la violence et la répression. Or comme nous le savons, la violence revêt toujours deux aspects : un premier considéré comme illégal mais qui peut sembler légitime pour quelques-uns dans des situations données, et l’autre aspect légal lorsqu’il est le fait d’un Etat, mais qui peut paraître illégitime, antidémocratique et répressif.
Quel que soit le parti pris, la réflexion sur la violence n’a jamais abouti qu’à des prises de position unilatérale qui laisse chacun d’entre-nous avec sa conscience face à la violence du monde.
Et justement cette violence actuelle et multiforme nous a encore été rappelé par le Pape François il y a quelques jours lorsqu’il a déclaré « Les taux de chômage des jeunes sont un scandale qui requiert non seulement d’être affronté avant tout en termes économiques, mais qui doit aussi être affronté, et ce n’est pas moins urgent, comme une maladie sociale, à partir du moment où notre jeunesse se fait voler son espérance et que sont gaspillées ses grandes ressources d’énergie, de créativité et d’intuition ».
Cette violence actuelle du monde se manifeste aussi  par la crise des migrants lorsque quotidiennement des hommes des femmes des enfants viennent mourir sur nos rivages.
La lutte contre la violence d’un système politique et économique qui exclue un si grand nombre d’êtres humains est avant tout un problème moral qui appelle à une solidarité mondiale et au développement d’une approche équitable des besoins et des aspirations des individus.

II faut donc continuer de dénoncer le plus massivement possible la situation difficile et violente vécue par tant de personnes dans le monde et en France : exclusion, précarité, rejet et abandon de pans entiers de la société, de régions entières, même de pays.
Aujourd’hui dans le monde, la vraie violence est celle que subit des milliards d’individus qui n’ont rien, absolument rien. Des millions d’hommes, de femmes d’enfants sont en errance sur les routes, dans des bateaux, fuyant la misère et les guerres multiples. Des millions d’autres sont sans travail. Au même moment une centaine de personnes à peine possèdent l’équivalent en richesse de plus de la moitié de la population mondiale.
Ces inégalités terribles et violentes ne peuvent que produire de la violence. Et elles en produiront encore si on ne vient pas y remédier. Cela les manifestants contre la loi El Khomri continuent de le dire pacifiquement. Il faut les écouter. Il y a va de notre avenir.
François Baudin


vendredi 13 mai 2016

Le réveil de l'Europe


Voilà trois mois que nous revenons presque chaque semaine sur la loi travail qui porte très mal son nom car elle se soldera probablement par un échec en terme de création d’emploi, par des conditions de vie plus pénibles pour des millions de salariés, des rémunérations en baisse et une augmentation de la précarité.
Ce projet a décidément bien du mal à passer, tout au moins démocratiquement, c'est-à-dire avec l’assentiment d’une grande partie des habitants de ce pays et avec un vote majoritaire des députés de l’Assemblée nationale. Rappelons que 74 % des Français sont opposés au projet selon un sondage. Rappelons aussi que le texte avait réuni en quelques jours, plus de 1,3 million de signatures le refusant.
Jamais tel projet fut à ce point rejeté et combattu par les salariés, par la population et notamment par la jeunesse, et maintenant par la représentation politique. Et pourtant le gouvernement insiste, persiste et passe en force en utilisant le fameux 49/3.
Alors que les grèves continuent régulièrement, que des manifestations se poursuivent les unes après les autres dans les rues des grandes villes, et surtout que des violences urbaines annoncent un printemps difficile, la volonté du pouvoir de poursuivre contre vents et marées n’est-elle pas le signe d’une obstination morbide qui ne peut mener qu’à de nouvelles difficultés, à des frustrations, et aussi probablement à des violences ?

Le débat démocratique n’aura pas lieu, car le projet au lieu de rassembler divise jusqu’au gouvernement qui le porte. Mais l’histoire nous apprend que lorsque le débat est empêché, il se passe dans la rue.
Au coup de force du pouvoir répond la violence dans les rues. Et ce choix de la force par le pouvoir en place n’augure rien de bon pour l’avenir démocratique de notre pays et pour la paix social. Le choix du pourrissement peut se solder par des situations émeutières et donc de plus grandes difficultés.
Actuellement d’autres catégories de salariés s’y mettent comme les routiers qui, si le projet de loi passe, risquent de voir diminuer leur salaire d’au moins 2000 euros par an.

Pour défendre sa loi, le pouvoir donne l’exemple des autres pays d’Europe qui il y a plusieurs années déjà ont voté à tour de rôle, le même type de mesures libérales : le Royaume Uni en 2010 avec David Cameron, l’Espagne de Mariano Rajoy en 2012, l’Allemagne en 2000 avec les réformes Hartz, les Pays Bas sous la coalition libérale de Mark Rutte en 2013...
Mais justement, si parmi ces pays, certains ont connu une baisse du nombre de chômeurs depuis la crise spéculative de 2008, partout les salaires ont baissé, les conditions de travail se sont dégradées, des poches de misère se sont étendues, des millions de salariés pauvres vivent dans la précarité. Ce sont ces exemples négatifs et connus de tous, que ne veulent pas suivre la majorité des habitants de notre pays, car ce qu’on appelle le marché du travail, est maintenant totalement désorganisé en Europe, au grand détriment des travailleurs eux-mêmes.

Le réveil actuel de notre continent contre le néolibéralisme que les dirigeants européens veulent imposer, est le signe que quelque chose est en train de changer. Ce réveil contre les inégalités, contre la misère n’a pas encore produit des idées nouvelles, mais il se manifeste de manière négative par un refus. Les protestations ont un caractère négatif. Elles sont des négations. Or aucune négation ne peut porter une construction si elle n’est pas accompagnée d’un projet différent, d’une idée neuve et de l’affirmation d’un autre possible. Il est difficile pour un front du refus de mettre au monde un projet nouveau.
Il est probablement temps, maintenant, de réfléchir ensemble à d’autres manières de vivre fondées sur la justice, le partage, la solidarité et la fraternité.

François Baudin