vendredi 29 avril 2016

Réflexion sur la violence


La violence survenue au cours des derniers jours dans les rues, comme l’évacuation musclée par la police des places publiques où se déroulaient les Nuits debout, sont les signes que quelque chose ne va plus dans notre pays.
Le climat délétère, le pourrissement d’une situation tendue ne pouvant mener qu’à la répression sont-ils des objectifs que le gouvernement souhaite installer dans les esprits de chacun d’entre-nous ?
Il est évident que la violence minoritaire opérée par quelques individus ne va pas dans le sens d’un élargissement de ces mouvements. La violence est même nuisible à l’ouverture démocratique que ces mouvements pacifiques souhaitent mettre en œuvre.
A cette violence de quelques-uns, l’Etat naturellement de par sa nature même, répond de façon identique : par la violence et la répression. Or il faut savoir que la violence revêt toujours deux aspects : un premier considéré comme illégal mais qui peut sembler légitime pour quelques-uns dans des situations données, et l’autre aspect légal lorsqu’il est le fait d’un Etat, mais qui peut paraître illégitime, antidémocratique et répressif.

Il faudra toujours se rappeler que l’Etat dans n’importe quel région du monde et à toutes les époques a toujours le monopole de la violence. Ce monopole de la violence par l’Etat n’a véritablement jamais été questionné, n’a jamais été mis sous le feu de la réflexion critique, ou alors toujours de manière partisane. Quel que soit le parti pris, la réflexion sur la violence n’a jamais abouti qu’à des prises de position unilatérale qui laisse chacun d’entre-nous avec sa conscience.
La réponse actuelle du gouvernement, est de mettre en avant et donc de légitimer son action en se fondant sur l’Etat de Droit.
Mais justement les manifestants nombreux contre la loi El Khomri, ou les manifestants des Nuits debout, se réclament aussi de l’Etat de Droit. Que veulent-ils : ils veulent plus de Droit, de démocratie, plus de fraternité, plus de dignité, plus de considération face à un monde violent, inégalitaire et faussement démocratique.

Il faut se sortir de cette impasse dans laquelle la violence (celle de l’Etat comme celle de minorités), nous enferme. Et rappeler qu’en maintes circonstances, les vrais problèmes sont cachés par la violence lorsque celle-ci est mise en avant. C’est même parfois son objectif : recouvrir les vrais problèmes d’un voile tissé par la peur que toute violence produit ; peur qui vient pervertir notre besoin de paix, de tranquillité, de fraternité et de justice.

Les vrais problèmes seront-ils cachés par les événements récents violents ?
Il ne faut pas le souhaiter, et même il faut continuer de dénoncer pacifiquement et le plus massivement possible la situation difficile vécue par tant de personnes dans le monde : exclusion, précarité, rejet et abandon de pans entiers de la société, de régions entières, même de pays.
Aujourd’hui dans le monde, ce sont des milliards d’individus qui n’ont rien, absolument rien. Des millions d’hommes, de femmes d’enfants sont en errance sur les routes, dans des bateaux, fuyant la misère et les guerres multiples. Au même moment une centaine de personnes à peine possèdent l’équivalent en richesse de plus de la moitié de la population mondiale.
En France la situation n’est guère différente. Des millions d’individus sont laissés pour compte, des régions entières s’appauvrissent, des banlieues dérivent en proie au chômage de masse.
Ces inégalités terribles ne peuvent que produire de la violence. Et elles en produiront encore si on ne vient pas y remédier. Cela tout le monde est en capacité de le comprendre.
Les manifestants contre la loi El Khomeri ou les gens rassemblés sur les places, les Nuits debout le disent pacifiquement. Il faut les écouter. Il y a va de notre avenir commun.

François Baudin 

jeudi 21 avril 2016

Espérance


Le projet d’un monde meilleur est-il en roue libre ? La gestion d’un système économique et social mondialisé, libéré de ses contraintes et de ses responsabilités, nous mène-t-il vers l’abîme. Que cet abîme soit écologique, social, politique, humain ?
Les conflits meurtriers dont nous sommes aussi les victimes, ne sont-ils pas les symptômes d’une époque livrée à la prédation des plus puissants ?
Le triomphe de l’égoïsme, de la loi de la jungle, ou de ce que l’on nomme la concurrence de tous contre tous, annonce-t-il la disparition définitive de l’idée même d’un monde juste et fraternel ?  

La crise permanente de l’humanité que nous vivons depuis au moins deux décennies, appelle des réponses. Les centaines de milliers de réfugiés qui fuient la guerre, la misère et viennent mourir sur les plages ou devant les murs de nos villes, nous appellent aussi au partage, à l’accueil. Ils demandent des réponses.
 Ces réponses, les jeunes rassemblés sur les places publiques de notre pays les cherchent également ; ils tentent de nous les apporter depuis quelques semaines.

Actuellement c’est la jeunesse du monde qui réveille les peuples endormis : en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, à Hong Kong, en Inde ces derniers jours, et dans le monde arabe lors du printemps 2011 lorsque tout a commencé : un peu partout la jeunesse se rassemble et se projette dans un autre possible.
La jeunesse dit : nous ne voulons pas vivre dans le monde qui nous est proposé comme seul possible.
« On vaut mieux que ça ». On ne veut pas de cette vie qu’on nous impose. On ne veut plus de ce monde ancien.

Mais la jeunesse n’est pas que la jeunesse, elle est bien plus qu’elle-même car elle est l’avenir de l’humanité tout entière. Elle en est le symbole d’ouverture, de disponibilité, de liberté aussi, car elle n’est enchaînée par aucune contrainte définitive. Par aucun enfermement.  

L’humanité est en crise. Si on survole très rapidement l’histoire contemporaine depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, on peut distinguer deux cycles d’une trentaine d’années chacun : le premier qui va de 1945 jusque dans les années 1980 : au cours de ce premier cycle, il y avait deux mondes : celui dit libéral et démocratique et celui dit socialiste. L’un empêchant l’autre de dominer totalement la planète. C’était comme on l’a dit la guerre froide entre ces deux mondes. Depuis la chute du socialisme au cours des années 1980 : un seul monde possible est proposé, un seul système est présenté comme l’unique système. On a même parlé à cette époque de la fin de l’histoire.
Or aujourd’hui on a le sentiment que l’histoire se réveille, on a l’impression qu’on sort du cycle historique qui a produit au cours de la dernière période des injustices terribles, des inégalités monstrueuses et des guerres permanentes.

Depuis quelques années, l’histoire s’est réveillée et à l’horizon un souffle nouveau se lève.
C’est cette espérance que nous devons saluer, malgré la réalité qui quotidiennement vient nous rappeler que beaucoup de nos frères humains sont dans une grande détresse.
Mais justement seule cette espérance nous permettra de bâtir un autre monde.

François Baudin

vendredi 15 avril 2016

La fin des démocraties ?




De quoi le mouvement La nuit debout est-il le signe ?
Qu’est-ce qui est dévoilé par les rassemblements continus de jeunes et souvent de moins jeunes sur les places publiques des grandes villes de France ?
Depuis une dizaine de jours un nombre significatif de personnes viennent débattre, refaire le monde comme on dit, affirmer qu’une autre façon de vivre et s’organiser ensemble est possible ?
Ce mouvement, certes minoritaire, est sûrement le symptôme d’un décalage, et même d’un décrochage, entre une grande partie de la population et les institutions politiques censées les représenter. Cela traduit aussi une volonté de s’emparer de la chose publique. Et surtout le mouvement La nuit debout affirme une espérance si on sait se mobiliser, se rencontrer, échanger. Cette réappropriation du débat politique n’est-il pas le signe que quelque chose a changé ?
Le développement des réseaux sociaux, la possibilité pour des millions de gens de communiquer, de s’informer mutuellement, d’échanger des idées, faire part de leurs souffrances et aussi de leurs espoirs, oui cette nouvelle possibilité permise par les technologies actuelles, ont changé la donne démocratique et les formes du débat ?
L’organisation verticale de la société, la transmission des informations du haut vers les bas, certains modes hiérarchiques de décisions, ne commencent-ils pas à devenir obsolètes, d’une autre époque ?
La crise actuelle de la démocratie que l’abstention massive et le vote extrémiste et la tentation identitaire nous révèlent, n’est-elle pas les signes qu’une autre forme démocratique est nécessaire et souhaitable. Et maintenant qu’elle est possible. Une démocratie plus directe et radicale qui viendrait compléter la démocratie représentative, une démocratie réelle où les décisions ne sont plus confiées aux experts, aux « sachants » et aussi à nos uniques représentants qui dans bien des cas ne tiennent pas les promesses pour lesquelles ils ont été élus.
Les aspirations démocratiques de gens rassemblés sur les places dévoilent que le système politique institutionnel doit s’adapter, se réformer et qu’il faudra le compléter, l’enrichir par l’apport de millions de citoyens qui ont des choses à dire.

Le début d’une appropriation collective de la chose publique peut donner à notre époque une  nouvelle espérance. Il nous libère aussi de l’enfermement identitaire et sécuritaire dans lequel on est assigné depuis trop longtemps.

Bien sûr toutes les questions demeurent : celles de l’inégalité, de l’exclusion, de l’errance, du chômage et de la misère pour des millions de nos concitoyens et plus largement pour des milliards d’individus dans le monde.
Celles aussi d’une société orientée presque exclusivement vers la consommation à outrance incapable de donner du sens à la vie de chacun.
Celles enfin des interventions extérieures, de la volonté de dominer le monde, d’imposer par la force ses manières de voir en étant revêtu du droit international à géométrie variable, celle en définitive qui prétend être la civilisation face à la barbarie.

Est-ce la fin de la démocratie ?
Non bien entendu, on peut même répondre que la démocratie n’en est qu’à ses débuts et qu’elle reste encore à inventer dans le monde entier.
La tâche est immense. Mais il y a urgence.

François Baudin 

vendredi 8 avril 2016

Debout jusqu'au bout de la nuit


L’homme debout est-il un veilleur qui annonce l’aube ? Qui l’attend, vigilant, dans la nuit, sur son chemin de ronde ?
Des millions d’hommes, probablement plus encore, gardent toujours l’espérance d’un autre monde possible. L’aurore d’une époque nouvelle préparée par leurs soins dans l’intimité de leur conscience, empêche ceux qui ne dorment pas de se coucher.
Le temps comme suspendu, l’heure de la délivrance encore en attente : nous sommes aujourd’hui le 37 mars nous disent les jeunes qui refusent la banalité du jour tissé de mépris, de mensonges, d’injustices.
Les communards en 1871 ont tiré sur les horloges dans Paris assiégés par Versailles, pour signifier l’arrêt du temps : un autre temps espéré par des milliers d’être humains, celui du vrai changement, devait naître au petit matin venu couronner la nuit blanche de son aube radieuse.

Que nous dit le mouvement naissant appelé la nuit debout. Il dit à ceux qui dorment toujours de leur petite mort, de se réveiller de leur torpeur, de ne pas se résigner, mais d’espérer malgré la narcose, malgré les paradis artificiels dans lesquels on veut les plonger. Il dit de construire un autre possible. Il dit la fraternité, l’espérance, la dignité.
Les jeunes sur les places disent qu’ils aiment la vie et la veulent belle.

Le temps des tentes est de retour sur les places de nos villes. La foule arrive. Le mouvement ne s’essouffle pas, mais prend de l’ampleur chaque nuit comme le feu pascal qui précède le jour de fête. Le jour nouveau. La lumière revenue. Chaque nuit réunit plus de monde que la veille. Chaque nuit de veille est une réinvention du monde.

La république, la démocratie, la fraternité : tout est à réinventer. Patience, courage et solidarité : voilà les mots d’ordre.

Ce projet de loi El Khomeri faussement intitulé loi travail, sera-t-il la goutte de trop qui réveille un pays ? Ce projet pourtant aura-t-il eu le mérite d’avoir réveillé la communauté des hommes, de l’avoir débarrassé, j’espère pour longtemps, de sa tentation identitaire, poison terrible, mortifère qui enferme chacun dans sa propre prison ?

Nul ne peut savoir ce qui va se passer, mais peut-être que chacun en chacune de ses nuits, en son cœur le plus secret, attend l’avènement d’un jour différent.

François Baudin


mercredi 6 avril 2016

La nuit debout



La nuit debout

Gardien qu’en est-il de la nuit ?
Mais de quelle nuit nous parle la question?
Celle où la multitude est plongée ?
Qu’en est il de cette nuit qui dure?
Le veilleur est-il encore sur la tour ?
Est-il encore possible d’attendre l’aube ?
Le matin viendra-t-il jamais ?

Qui interroge ainsi le gardien ?
Dort-il lui aussi ?
S’est il endormi sur son chemin de ronde ?
Y a-t-il un gardien du gardien ?
Est-ce le peuple qui dort ?
La multitude endormie ?

L’oppression de la nuit
Ne quitte pas celui qui pense
Et s’en libère pourtant

Penser la délivrance 
Œuvrer à son aurore

Toi qui a consacré ta vie à préparer le jour
À l’annoncer souvent
Le veilleur répond : le matin vient, le jour tant attendu
Sa plénitude

Mais faut-il encore attendre ?

La nuit est tombée j’avais trente ans à peine, et semble définitive
Que nous est-il arrivés à tous ?
C’est incompréhensible
Désormais nous y sommes,
Nos dévouements, sont-ils restés lettres mortes ?
Faut-il succomber à la désespérance ?
Comme à l’impératif.

Alors parlons d’elle.
Qu’en est-il de cette nuit ?

Mais la nuit quelle est-elle ?
Quel genre de nuit
Elle garde tout de même
La puissance du veilleur
Celle du matin qui vient
Sans oppression
Et devient jour

La nuit est l’autre nom du jour
Elle est son nom nocturne
Son infini possible
Que l’homme prend sous sa garde.
Pour que le jour advienne

Et la détruise 

François Baudin

vendredi 1 avril 2016

Résistance !



Le succès des manifestations du 31 mars dernier, contre la loi Travail El Khomeri, réunissant dans toutes les villes de France des centaines et des centaines de milliers de personnes, dont un très grand nombre de jeunes, oui cette réelle mobilisation saura-t-elle faire pencher la décision du gouvernement vers une révision de son projet de loi, et même vers une annulation pure et simple ?
Les jeunes et la grande majorité des salariés français, ne veulent pas de cette loi qui les concerne pourtant au premier chef. Telle est bien la réalité d’une réforme qui leur est destinée mais dont ils ne veulent pas ; une réforme mal préparée, rapidement rédigée dans le plus grand secret des cabinets ministériels.
Hollande, Valls et la jeune ministre du travail auront-ils la sagesse de retirer ce projet qualifié de néfaste, toxique pour le droit, avant qu’il ne déclenche dans toutes les villes de France des violences urbaines comme on en a vu cette semaine dans quelques villes ?
La détermination de la jeunesse contre cette loi est bien le signe que quelque chose de nouveau a eu lieu au cours de la dernière période.
C’est comme un vent de colère qui s’est levé contre cette société qui impose tant de misère, de chômage et de précarité, et notamment pour les jeunes. Quel avenir pour la jeunesse ? Telle est bien la question centrale qui nous est posée.
Il suffisait d’aller se promener dans les manifestations, et d’écouter les jeunes pour le comprendre. Ecoutons-les, écoutons la jeunesse, et si il y a une nécessité absolue de réformer, cette réforme ne doit pas se faire contre l’intérêt de l’immense majorité des citoyens, mais elle doit se faire uniquement dans le sens de l’intérêt général.

Il est évident qu’une très grande partie de notre pays refuse une société où la jeunesse est la variable d’ajustement et l’armée de réserve permettant de faire pression sur l’ensemble des salariés.
Une très grande majorité de citoyens refuse une société divisée où chacun se trouve en compétition avec l’autre. Une société de la concurrence généralisée où les moins chanceux, les moins diplômés, les plus en difficulté le sont encore plus. Une société en miette. Une société où la peur du lendemain va étreindre chacun d’entre nous, où on nous obligera à vivre dans l’insécurité économique permanente.
Cette société, personne n’en veut. C’est pourtant celle qui nous est proposée à travers cette loi et que la jeunesse refuse massivement.
Les hommes dans leur grande majorité préfèrent la solidarité, la fraternité et la coopération et on les comprend bien.
Les jeunes nous disent : On vaut mieux que ça ! Ils nous appellent à la résistance.
Le président Hollande doit absolument les écouter s’il ne veut pas passer aux oubliettes de l’histoire.

François Baudin