vendredi 19 décembre 2014

Noël ce matin



Maintenant que les jours décroissent
Et s’en vont vers la nuit,
Que les temps semblent à jamais fermés,
Que plus rien n’est à espérer,
Que tant d’hommes souffrent
Et dans leur finitude sont réduits
Contraints à ne jamais dépasser les limites assignées
Des multiples oppressions… 

Je pense en écoutant gémir le monde
À ce jour qui vient
À l’été bleu qui rit lorsque sur le chemin
On voit fleurir
Le minuscule chardon bleu des sables
Plus grand que toute finitude
Plus fort que la puissance des mondes multiples
Plus vaste que nos peurs

Il est l’intensité d’un présent qui arrive
Si intense que demain est déjà de ce jour
Une promesse effective
D’un infini qui vient
Et dont nous sommes capables
L’infinie beauté d’une journée s’annonce
Au-delà de tout recouvrement possible

Ce jour nouveau aurait pu venir en grandeur, en puissance
En guerrier, en héros, en empereur couvert d’or et vainqueur

Non, non, ce jour vient sous les traits d’une fleur fragile....
Elle est si petite aujourd’hui, mais déjà nous la voyons
Qui porte l’infinie espérance
De la beauté indestructible du monde
Dont ce matin nous avons la certitude


François Baudin

jeudi 11 décembre 2014

Réenchantons nos dimanches




Depuis des années, la question du travail du dimanche revient régulièrement agiter la scène médiatique. Cette question constitue le cœur même du texte libéral du ministre de l’Economie Emmanuel Macron. Pour le gouvernement actuel, le fait d’ouvrir les commerces le dimanche serait un moyen efficace de relancer l’économie.
La politique conduite par le président Hollande depuis 2 ans n’a pas brillé par ses résultats. 60 000 demandeurs d’emploi de plus en un an. 8 personnes embauchées sur 10 le sont en CDD précaires. Selon l’INSEE, au cours du mois d’octobre 2014, la production industrielle a chuté d’un peu moins de 1%. Du jamais vu dans notre pays.
Alors pour notre gouvernement, le travail du dimanche compte parmi les solutions qui permettront de retrouver de quoi espérer en des jours meilleurs.

Qui peut les croire ?
Peut-on croire que ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter en semaine, pourront le faire le dimanche ?
Qui peut croire que donner l’autorisation aux super marché d’ouvrir le dimanche, permettra de maintenir dans les quartiers les commerces de proximité. Certains économistes pensent même l’inverse : l’ouverture des grandes surfaces le dimanche entraînerait la disparition de dizaines de milliers d’emploi dans le commerce.

Mais il y a plus grave encore, car la question fondamentale qu’il faut nous poser est celle-ci : Dans quelle société voulons nous vivre ?
Voulons nous vivre dans un monde sans fête, sans dimanche, sans repos ni respiration ? 
Un monde où domine la marchandise et sa consommation, un monde où la marchandise circule sans arrêt, où tout s’achète et tout se vend, de jour comme de nuit. Le dimanche comme la semaine.

J’écrivais il y a tout juste un an que la tendance immanente du système de production proposé est de s’approprier le travail des personnes pendant les vingt quatre heures que compte un jour et les sept jours de la semaine.
La tendance immanente du marché est de transformer toute chose en marchandise et en bien de consommation. Y compris le travail humain.
La tendance de la société fondée sur ce type d’économie est de nous pousser à devoir sacrifier au culte de la consommation tous les jours de l’année, y compris dimanches et jours fériés.
Nous assistons à une extension du domaine de la marchandise.

Tel semble être l’enjeu actuel qui vient, une fois encore, de nous être rappelé cette semaine.

Est-on revenu à des débats d’un autre siècle lorsque le repos dominical, le travail de nuit, le travail des enfants, la journée de huit heures,… faisaient l’objet d’âpres revendications ?
Tout ce qui a pu représenter un progrès social et donc un progrès pour l’humanité est actuellement remis en cause. On assiste à une véritable offensive contre le droit. Une sorte de déchaînement se poursuit contre ce qui a été et ce qui est toujours pour les hommes une amélioration de leur bien être.

Est-ce ainsi que nous souhaitons vivre. ?

Une menace pèse actuellement sur le monde entier : la menace d’un monde sans éthique, injuste et dans lequel l’argent et la recherche du profit immédiat commande tout.
En cette période de l’Avent, il est urgent d’imaginer un autre monde et de rêver à son avènement. Un monde fondé sur le sens du don, de la solidarité, du partage et de la gratuité. Un monde où il fait bon vivre. Un monde possible. Réenchantons nos dimanches.

François Baudin




vendredi 5 décembre 2014

Racisme aux Etats-Unis : le triste bilan d’Obama



Il y a presque 10 ans le cyclone Katrina ravageait le Sud des Etats-Unis. Cette catastrophe dévoilait aux yeux du monde entier la vulnérabilité de la première puissance du monde. L’Amérique de Bush, indifférente, laissait ses enfants mourir, noyés dans les eaux du Golfe du Mexique.
Dans un contexte d’inégalités sociales et de discriminations raciales, le cyclone Katrina tuait plus particulièrement et par milliers, les pauvres, Latinos et Noirs, vivant dans les Bas quartiers inondables des villes du Sud.
Katrina était le révélateur d’un système qui prône la suprématie blanche et se solde par une inégalité terrible devant la mort.

Quelques années plus tard, beaucoup ont espéré au moment de l’arrivée au pouvoir de Barak Obama, premier président noir américain. N’allait-il pas défendre la cause des pauvres, et plus particulièrement celle des noirs ?
Ce nouveau président devait mettre fin à l’indifférence historique, vielle de plusieurs siècles, vis-à-vis de la souffrance des pauvres et des noirs en particulier. Aux Etats-Unis comme ailleurs dans le reste du monde.

Les évènements récents de Ferguson comme le crime commis par des policiers cet été à Staten Island dans l’Etat de New York, contre le noir Eric Garner, ont démontré que peu de chose ont changé aux Etats-Unis depuis l’élection d’Obama.
La discrimination n’a jamais disparu de l’Amérique.
Le permis de tuer un Noir pauvre ou un Latino, est toujours une réalité dans ce grand pays qui prétend être l’exemple universel de la démocratie et de l’Etat de droit.
Chaque jour des hommes et des femmes, jeunes ou plus âgés sont confrontés au racisme et à la violence policière.
Violence cautionnée jusqu’au plus niveau de l’Etat comme les verdicts des Grands jurys nous le fait découvrir. Violence revendiquée par une idéologie qui voit dans le pauvre, et plus particulièrement dans le Noir : un « sauvage dangereux » qu’il faut mater. Dans ce cas toutes les bavures sont justifiées.
Barak Obama n’a jamais eu le courage politique de s’opposer à cet état de fait. On lui reproche même de ne s’être jamais intéressé véritablement à cette question.

Le verdict du Grand jury, renouvelé cette semaine encore, rappelle qu’il ne s’agit pas d’une faute de parcours défendue par une minorité de blancs, mais qu’il s’agit bien d’un système qui perdure structurellement dans la société américaine.

Les peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et du monde arabe vivent quotidiennement la brutalité des Etats-Unis. Ces mêmes peuples sont confrontés au racisme et au néo colonialisme à l’intérieur même des frontières américaines. Ces deux phénomènes sont liés. L’Amérique s’est construite sur le dos des esclaves et sur le génocide des Noirs, ainsi que sur la colonisation et le génocide des peuples indigènes indiens.
La disparition de ce système fondé sur le mépris et l’indifférence n’arrivera que par l’engagement des peuples contre l’injustice.
Le temps de l’Avent qui commence est un temps d’espérance qui ne déçoit pas. Les défis que représentent le mépris, le racisme et la violence existent pour être relevés et combattus.
L’espérance véritable engendre toujours l’histoire.


François Baudin

jeudi 27 novembre 2014

Europe, qu’as-tu fait de ton projet ?


La venue du pape François à Strasbourg cette semaine a été l’occasion de reposer la question de la vocation de l’Europe.
Pourquoi l’Europe ? A quoi sert-elle ?
Cette même semaine, répondant à l’appel de toutes les organisations syndicales, les travailleurs grecs se sont mis en grève générale pour dire non à l’accord européen. Ils se sont opposés au mur financier qui sépare l’Europe entre le Sud et le Nord et impose sur presque tout le continent des plans d’austérité qui ne font qu’aggraver la crise et rendre les peuples de plus en plus pauvres.

La Belgique était descendue dans les rues de Bruxelles quelques jours auparavant pour les mêmes raisons, et aussi l’Espagne, et encore l’Irlande où l’exaspération d’une population est à son comble.
Hier on apprenait que la France compte depuis fin octobre 28 500 demandeurs d’emploi de plus, atteignant ainsi le triste record jamais égalé de 3 500 000 chômeurs. Le nombre de chômeurs européens est estimé à 25 millions.
Partout en Europe, l’emploi, les salaires, les dépenses de santé et les dépenses d’éducation sont devenus les variables d’ajustement face à la crise financière et au déficit.

Le projet européen de paix, de prospérité, de partage, de solidarité et d’échange entre les peuples, est-il en train d’être définitivement enterré devant les souhaits de la finance internationale et face aux impératifs des taux d’intérêts. L’obligation de servir des dividendes toujours plus importants est-il devenu la seule politique possible ?

Les grands idéaux européens, idéaux universels qui ont été guidés par l’idée du Bien commun et du bonheur des peuples, n’ont-ils pas succombé face aux intérêts particuliers ?
Les grands idéaux de paix pour une Europe traversée par tant de guerres, n’ont-ils pas disparu face à un esprit de concurrence, de rivalité et de zones d’influences à gagner, notamment vers l’Est du continent ?
Les grands idéaux de dignité humaine n’ont-ils pas cédé devant la peur ?
Le repliement d’un continent qui se considère aujourd’hui comme une forteresse devant se protéger des misères d’un monde campant à ses portes, en est le signe évident.
N’oublions pas que l’Europe, de part son histoire et son actualité, est en partie responsable de cette même misère. Elle a une dette vis-à-vis du monde.

L’Europe telle qu’elle évolue, n’est-elle pas devenue une immense bureaucratie technique au service d’intérêts particuliers, de lobbys de plus en plus puissants, au service d’une oligarchie antidémocratique ?
Devant toutes ces démissions, il est relativement aisé de comprendre que l’Europe soit aujourd’hui en proie à de très grandes difficultés.

Un danger extrémiste risque de déferler sur notre continent, faisant reculer pour des décennies le projet initial de paix, de bien commun, de fraternité et d’accueil.
Aujourd’hui l’idée même d’Europe est devenue une idée que beaucoup condamnent, parce que l’image que les hommes politiques et responsables européens lui ont donnée, est devenue une image négative où la personne humaine est passée au second plan derrière des intérêts privés, derrière les lois du marché qui ne sont, de fait, que les lois de ceux qui dominent le marché.
Les peuples européens aspirent à autre chose que ce qui leur est actuellement proposé. Ecoutons-les, lorsque parfois ils s’expriment à Dublin, à Bruxelles, ou encore cette semaine à Athènes.


François Baudin

vendredi 21 novembre 2014

Tourisme fiscal et tourisme social : deux poids deux mesures




On nous répète tous les jours que la situation économique exige de prendre des décisions douloureuses. Des sacrifices sont demandés à la population, une politique de rigueur voire d’austérité est mise en œuvre dans tous les pays et notamment en France. Il n’est pas un jour sans que les médias nous expliquent qu’une chasse aux fraudeurs est indispensable pour redresser les comptes sociaux.

Ainsi cette semaine, la cour de justice européenne a confirmé que les Etats membres de l’Europe pouvaient refuser l’octroi d’aides sociales aux ressortissants d’un autre pays européen installés sur leur territoire mais ne cherchant pas de travail.
Ce rappel de l’Europe a servi de prétexte pour relancer « une chasse aux migrants soupçonnés de profiter de la « générosité » de la sécurité sociale », nous dit la quotidien l’Humanité dans sa livraison du Week-end. On parle ainsi de tourisme social. De migrants qui contribuent fortement à pomper les caisses.
En réalité selon l’OCDE, il s’agit d’un fantasme ou d’un mensonge, car les migrants européens ne représentent que 1 à 5 % des bénéficiaires de prestations sociales. 1% pour le chômage.
En fait le tourisme social est une vue de l’esprit, une légende avancée par les politiques pour satisfaire et même souvent développer au sein des opinions publiques, xénophobie et racisme. Cette politique est porteuse d’un réel danger pour la paix sur notre continent, lorsqu’un vent mauvais se met à souffler.

Par contre cette semaine on a à nouveau eu la confirmation que le tourisme fiscal se porte bien. Chaque année des milliards d’euros sont détournés des caisses des Etats.
Les migrants ou les globes trotteurs fiscaux existent bel et bien. En France l’évasion fiscal coûte entre 50 et 80 milliards d’euros par an à l’Etat. A l’échelle mondiale on estime que les sommes oscillent entre 17 000 et 26 000 milliards. La perte s’élève à 1000 milliards chaque année en Europe.
On a du mal à imaginer ce que ça représente.
Pour que des sommes pareilles soient détournées, il doit bien y avoir des complicités : tout d’abord celle des grandes banques. On peut dire que toutes les banques contribuent à cette évasion.
Mais aussi les hommes politiques et les gouvernants. Notamment ceux qui gouvernent des paradis fiscaux. On pense immédiatement au Luxembourg, si proche de notre région, dont l’ancien Premier ministre Juncker dirige aujourd’hui la commission européenne.
Le Luxembourg à lui seul constitue un vrai scandale. Il y a quelques jours un collectif de journalistes a démontré que 350 multinationales ont réduit voire annulé leurs impôts suite à des accords secrets passés avec l’administration fiscale du Grand Duché. On ne peut pas imaginer une seule seconde que l’actuel président de la commission européenne et ancien Premier ministre, Juncker, n’était pas au courant de telles tractations visant à éviter l’impôt. Entre 2002 et 2010 des milliards d’euros ont échappé au budget français pour se retrouver dans les banques luxembourgeoises.

Cette semaine dans la revue « Alternatives économiques », la question de savoir qui sont les vrais fraudeurs nous est posée.
Sont-ils les chômeurs, ceux qui abusent des prestations sociales comme semblent nous le dire les gouvernants européens, avec tous les risques de dresser une partie de la population contre une autre ?
Non, les grands et vrais fraudeurs sont d’abord les entreprises qui cherchent par des moyens plus ou moins légaux à échapper à l’impôt.
Actuellement les choses sont en train de légèrement changé. Espérons le. Mais peut-on faire confiance au président de la commission Junker pour que ça aille vite dans la réforme fiscale ?
Si les peuples européens sont prêts à comprendre que des efforts sont nécessaires, une meilleure solidarité ne contribueraient-elles pas à les faire mieux accepter ?
D’ailleurs si une véritable justice fiscale et sociale était mise en œuvre, des efforts supplémentaires seraient-ils vraiment nécessaires pour l’ensemble de la population victime de la crise ?
Probablement pas !  

François Baudin 

vendredi 14 novembre 2014

L’Etat mafieux mexicain massacreur de jeunes


Le massacre de 40 jeunes étudiants mexicains le 26 septembre dernier est passé quasiment inaperçu en Europe.
Qui sait que plus de 10 000 personnes meurent chaque année dans ce pays d’Amérique centrale, victimes du crime organisé ? 80.000 Mexicains ont péri depuis 2006. La violence due aux cartels ne cesse de progresser.
Le Mexique vit aujourd’hui dans un chaos politique. Assassinats quotidiens, corruption, enlèvements, trafic de drogue, raquette généralisée, économie orientée vers la prédation du pays. Tous ces méfaits rythment la vie locale, dans un Etat où la violence politique ne cesse d’augmenter.
Chaque année des milliards de dollars s’évadent du Mexique, blanchis par les grandes banques internationales, telle HSBC. Ils sont transférés dans les paradis fiscaux, pour repartir ensuite dans l’économie mondialisée. Il est maintenant prouvé que les liens entre les cartels de la drogue ayant pignon sur rue au Mexique et les banques internationales, ont permis de recycler des milliards vers les Etats-Unis et l’Angleterre.

Mais ce nouveau massacre de jeunes mexicains a peut-être été le massacre de trop.
Rappelons les faits : le 26 septembre 2014, quarante-trois étudiants sont arrêtés par la police municipale de la ville d’Iguala, dans l’Etat de Guerrero, suite à une manifestation. Aujourd’hui, toujours aucune trace d’eux, si ce n’est la découverte dans six fosses communes de 28 corps semi-calcinés portant des marques de tortures, et les aveux d'un mafieux qui déclare avoir exécuté ces étudiants sous les ordres de la police. Cette affaire révèle l’infiltration des forces de police locales par les réseaux mafieux.
Les élus politiques de la ville seraient eux aussi corrompus.

Les étudiants qui manifestaient contre la mafia sont tous issus de milieux pauvres. Certains étudiants affirment que police aurait tiré à bout portant sur les manifestants. Face à cette situation, un grand mouvement de solidarité envers ces 43 étudiants s’est levé au  Mexique et dans d’autres pays d’Amérique latine. De nombreuses manifestations se déroulent actuellement.

Le Mexique souffre d'une véritable décomposition du tissu social. L’Etat est le principal responsable de cette situation dramatique. Alors qu’il devrait d'être le garant de l’état de droit et de la loi, il s'est érigé en criminel et en mafieux en violant systématiquement la loi.

Ajoutons à cela que comme la plupart des Etats dans le monde, le Mexique est entré par ses multiples réformes dans une période néolibérale : réduction de l'appareil d'Etat à sa plus simple expression militaire et policière en grande partie corrompue, privatisation à outrance du patrimoine public, ouverture des marchés, abdication de l'autorité publique face à l'initiative privée, mais aussi face aux organisations criminelles.
La domination actuelle des groupes criminels ne s'explique pas seulement par leur stratégie de corruption et d'infiltration des institutions gouvernementales. Mais par une complicité objective de l’Etat.
Elle s’explique par l’abandon de ses missions dû à une logique libérale destructrice et prédatrice qui l’a conduit à renoncer à ses prérogatives les plus élémentaires, notamment la garantie de la sécurité, l'intégrité physique et la vie de la population. Cette même logique a fait le lit de nouvelles formes de criminalité, sur fond de hausse de la pauvreté, du chômage et de la marginalité.
Face à cette carence historique qui met en danger notre société,  les mouvements populaires doivent devenir les agents d'un changement révolutionnaire indispensable.
François Baudin


vendredi 7 novembre 2014

L’Odyssée des temps actuels



Plus de 3300 personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants sont mortes noyées en Méditerranée au cours des 10 premiers mois de 2014.
Depuis l’an 2000, 22000 êtres humains, on parle même de plus de 40000, ont disparu en mer, au large de la Libye, de l’Egypte, de l’Italie ou de la Grèce.

La Méditerranée est devenue le tombeau où disparaissent des habitants des régions pauvres de la planète. C’est le prix à payer pour le passage. La mort est au rendez-vous du voyage.
Cette année le tribut a été plus lourd que jamais. L’année 2014 a été la plus meurtrière.

L’épopée d’Ulysse en son l’Odyssée prend à notre époque des allures de drames humains et de scandale que les gouvernants de l’Europe veulent nous cacher soigneusement. Ce poème épique d’Homère qui compte parmi les chefs d’œuvre fondateurs de l’Europe, de ce qu’on nomme la civilisation européenne, devrait être revu et corrigé et nous raconter l’horreur d’un voyage d'où on ne revient pas.
Cet afflux de migrants sur le rives occidentales de la Méditerranée est le reflet de la situation du monde : guerres dont la responsabilité principale revient à l’Europe et plus globalement à l’Occident, crises et misère dues au pillage des ressources organisé par les grandes puissances au services des entreprises multinationales.

Face à ce drame de l’immigration, l’Italie en 2013 avait mis en œuvre l’opération Mare Nostrum. 32 navires appuyés par des hélicoptères, des drones et des avions furent mobilisés pour sauver des vies humaines de la noyade.
En un an, selon les autorités italiennes, plus de 100 000 migrants ont pu être sauvés des eaux. Mais un tel dispositif coûtait trop cher pour la seule Italie. L’Europe n’ayant jamais accordé aucune aide.
L’Italie ne pouvait pas porter seule la charge de sauver des vies en méditerranée. Elle a donc mis fin à cette opération de sauvetage.
Depuis le 1er novembre, l’opération Mare Nostrum est remplacée par l’opération Triton pilotée par l’Agence de sécurité européenne Frontex. Ce changement est simplement le signe d’une orientation de plus en plus répressive de la politique européenne. Triton est le joli nom d’un contrôle renforcé aux frontières maritimes de l’Europe du Sud.

Dans le système mondialisé actuel, les marchandises, les capitaux circulent sans contrainte et sans contrôle. Mais pour les hommes et les femmes c’est autre chose. Alors que nous Européens, nous nous permettons de voyager dans le monde entier comme touristes et aussi parfois comme militaires en opération, presque tous les habitants de la planète sont interdits de circulation.
L’Europe est devenue cette forteresse ouverte à tous les vents de la marchandise et des capitaux, mais fermée aux hommes et aux femmes qui sont les victimes de cette même politique d’ouverture mondialisée du marché.
Cette armée de pauvres qui campent et meurent aux portes des pays riches est considérée comme une menace et aussi comme une armée de réserve dont on dispose telle une marchandise permettant de mener une pression économique sur les salariés de nos pays.

Il faut absolument sortir de cette vision qui considère l’immigré comme une menace ou une marchandise à notre disposition.
Il faut sortir de cette opposition, artificiellement créée, entre migrants et nationaux, car notre humanité est commune face à une mondialisation qui transforme l'homme marchandise ; une marchandise qu’on peut laisser périr au large de nos côtes méditerranéennes.

François Baudin

dimanche 2 novembre 2014


ZIAD MEDOUKH


CHRONIQUES
D’UN ÉTÉ MEURTRIER À GAZA


RÉCIT D’UN GÉNOCIDE RÉPÉTÉ





Kaïros / Témoignage

vendredi 31 octobre 2014

Pourquoi mourir à 21 ans ?


La mort le week-end dernier à Sivens dans le Tarn, de Rémi Fraisse jeune étudiant de 21 ans, a indigné une grande partie des Français.
Pourquoi mourir à 21 ans ?
Pourquoi succomber sous les tirs de grenades offensives lancées par des gendarmes ?
Le président du Conseil général du Tarn, Thierry Carcenac, a déclaré quelques jours après le drame : « Mourir pour des idées c’est une chose, mais c’est réellement stupide et bête ».

Cet homme politique qui devrait avoir en tête l’unique préoccupation de l’intérêt général, ne semble pas avoir compris que des jeunes, qui pour la plupart sont des militants non violents, se mobilisent pour défendre ce qu’ils considèrent comme le bien le plus précieux : la création.
Pour cet homme politique étiqueté de gauche et responsable de la vie démocratique d’un département français, défendre la création, défendre l’environnement, défendre l’avenir de l’humanité, c’est stupide et bête.
Rémi pensait au contraire que veiller sur la création, renouer avec elle et avec l’homme qui y habite, revêt un sens. La plus haute signification.

On parle tous les jours dans les médias des périls qui pèsent sur la planète. Réchauffement climatique, pollution, marchandisation de la nature, exploitation outrancière des sols, appauvrissement des populations victimes de la spéculation foncière…
Ces fléaux ne sont pas lointains et nous en sommes directement responsables.
Aujourd’hui ils se matérialisent à Sivens dans cette zone humide que Rémi voulait sauver, comme il se matérialise à Notre Dame des Landes, ou encore à Ducrat dans la Somme où le projet de construire une ferme industrielle de 1000 vaches rencontre l’hostilité de toute une population paysanne et citadine.
Pour que ce projet ne voie pas le jour, des hommes et des femmes sont prêts à aller en prison comme on a pu le voir cette semaine encore après le jugement sévère du tribunal correctionnel d’Amiens.
Cela, Monsieur Carcenac, est-il capable de le comprendre, ou dira-t-il à nouveau : c’est stupide et bête ? Est-ce stupide et bête de dire que la nature qui nous a été donnée, nous en avons en quelque sorte la responsabilité, nous en sommes les gardiens. Rémi avait probablement cette conscience aiguë que l’homme est le gardien de la création.

Les dangers écologiques qui nous menacent tous et jusqu’à nos portes, dans notre vie quotidienne, sont les conséquences d’une vision du monde fondée sur la recherche du profit. Comme si tout autour de nous, chaque chose, chaque être vivant et aussi chaque être humain à chaque instant, était à notre disposition pour notre plus grand profit.

Le jeune Rémi manifestait son opposition au barrage parce qu’il voulait veiller sur la création. Il était libre dans ses choix. Et il savait probablement qu’une terrible tension était en train de naître sur le site de Sivens.
Il savait que la fermeté des pouvoirs publics et l’énorme mobilisation policière ne pouvaient mener qu’au drame. La tension montait depuis des semaines autour du chantier du barrage. Un militant de Confédération paysanne avait dit aux gendarmes quelques instants avant le drame : « Vous allez finir par tuer un de ces jeunes, et vous serez obligés d’arrêter le chantier » ;
 Il ne faut pas s’étonner de cette issue tragique.

On ne peut accepter de telles violences et encore aujourd’hui il est possible de sauver cette zone humide de Sivens.
Mais il aura fallu des mois de bataille et hélas aujourd’hui la mort d’un jeune de 21 ans.

François Baudin


mardi 28 octobre 2014

Vérités et vérité






Propos introductifs à la soirée du 25 octobre 2015

Vérités avec un s, écrit au pluriel, n’a pas le même sens que vérité sans S. L’un (avec un S) sous entend qu’il n’y a pas de vérité puisqu’il y en a plusieurs.

Pourquoi ?

Pour beaucoup et même pour presque tout le monde la vérité ne peut s’entendre qu’au singulier. Il ne peut y avoir qu’une seule vérité et s’il y en a plusieurs, il n’y en a pas.

Même si ce singulier est un particulier qui n’arrive qu’une fois. Il ne peut y avoir qu’une seule vérité à cet instant.
Par rapport à quelque chose qui arrive, on pense la plupart du temps qu’il n’y a qu’une seule vérité. Si je dis par exemple : cette pomme est mûre, je pense que cette pomme actuellement est bien mûre, quelle que soit la perception que j’ai de la pomme.
Je dis la vérité sur la pomme si je dis qu’elle est mûre et j’aimerai que d’autres partagent ce jugement sur la pomme.

Pour d’autres il n’y a pas de vérité au singulier même à un instant donné bien particulier, mais il n’y a que des pluriels. Ainsi par rapport à cette pomme, certains diront qu’elle est mûre et d’autres diront qu’elle ne l’est pas encore tout à fait. C’est une affaire de goût.

Et lorsqu’on pense « vérités » au pluriel, on dit qu’elle est relative.
Qu’elle est relative au sujet. Qu’elle est relative au point de vue que l’on adopte, que l’on a. Le point de vue que le sujet a sur la chose à partir de laquelle il porte un jugement. Il faut dire que cette histoire du point de vue a traversé la philosophie surtout depuis Leibniz.

Le sujet qui dit la vérité c’est nous, c’est chacun d’entre nous. Si la vérité est relative au sujet, il n’y en a pas, ou plutôt il y en a une pour chaque individu.
La vérité serait donc relative au sujet et relative à la situation vécue par le sujet.
Or on sait aussi que le sujet (nous-même), est changeant comme la chose que l’on perçoit. Aujourd’hui nous sommes ainsi, demain nous serons différents. Tout change tout le temps, et nous aussi. Vous savez c’est la fameuse phrase d’Héraclite : on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Et si on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve : Où est la vérité du fleuve ? Où est ma vérité ? Car moi aussi qui plonge dans le fleuve (dans le flux comme dit Héraclite, où je suis immergé, où je suis embarqué), je suis flux changeant.

Demain on sera différent d’aujourd’hui. Lorsque je dis demain on sera différent, on peut aussi dire dans une seconde on sera différent. Nous changeons tout le temps, à chaque instant, et les choses et la réalité qui nous entourent changent aussi. (nous ne distinguerons pas choses et réalité)
Si la vérité est relative à l’instant présent et au sujet qui le vit, il n’y a pas de vérité : au sens absolu, ou encore au sens universel.

Certains ne peuvent pas se résoudre à cette conclusion et vont chercher au-delà de l’instant présent une vérité qui dure et ne change pas, une vérité qui fonde et une vérité qui guide l’action. C’est toute la question de l’essence et de l’existence, ou encore de l’essence et de l’accident qui vient d’être posée, c’est la question de l’idée et de sa chute dans la matière où elle se pollue. Dans cette conception l’essence c’est ce qui dure, l’accident c’est ce qui change ; la matière c’est ce qui masque la vérité. L’essence est du domaine de la vérité.
Voilà une des grandes questions philosophiques qui a traversé toute la pensée humaine.

La question de la vérité est la question la plus universelle qui soit. A toutes les époques et en tout lieu on s’est posé cette question. Et se poser cette question est éminemment philosophique.

Pourquoi s’est-on toujours posé cette question de la vérité ?
Parce que de cette question va dépendre la manière de vivre ensemble. Vivre ensemble c’est s’entendre même provisoirement sur ce qui nous entoure, sur ce que nous pensons être la vérité, ou encore s’entendre sur ce qui fonde notre vie commune, sur ce qui nous réunit.
C’est s’entendre sur ce que nous considérons comme vérité.
Il faut bien souligner que la vérité est ce qui unit et fait vivre les hommes entre eux. Et donc elle est aussi ce qui va les faire se combattre entre eux. Voilà la force ou la puissance du mot vérité. La vérité divise et unit les hommes.

La philosophie s’est toujours posée cette question de la vérité. Qu’est-ce que la vérité ?

Pour ma part j’ai consacré 3 livres à cette question.

Le 1er tome porte sur le lien entre philosophie et vérité.
2) le second porte sur le rapport entre Discours et vérité.
3) troisième qui est écrit et fera l’objet de deux livres séparés publié en 2015 porte sur Être et vérité.

Je vais vous présenter en quelques mots une partie de ma démarche que ces trois livres racontent et expliquent, et qui part du mot vérité.
Qu’est-ce que ce mot ?
D’où vient-t-il ?
Que signifie-t-il ?

Le mot vérité vient du latin veritas
Le sens de veritas est celui d’une adéquation, d’une conformité. Conformité d’un discours avec la chose ou la réalité dont on souhaite parler, qu’on souhaite rapporter. Je reprends l’exemple du début : la pomme est mûre. Ce discours qui est aussi un jugement sur la pomme prétend être en adéquation avec la chose (pomme). Je pense qu’il est vrai. Qu’il tend vers le vrai.

Deux nouvelles questions se posent alors :
1) Premièrement qu’est-ce qu’un discours ?
2) deuxièmement qu’est-ce qu’une chose ou encore qu’est-ce que la réalité dont on souhaite parler, qu’on souhaite représenter, dont on souhaite produire un discours. (réalité, choses, objets, êtres vivants, hommes, phénomènes, évènements, processus, etc.)

Qu’est-ce qu’un discours, qu’est-ce qu’une représentation, et quelle différence y a il entre une chose et sa présentation ? Une chose et son discours.

Il faut aussi souligner (et c’est très important) que toute re-présentation, tout discours, devient une présentation lorsqu’elle ou il est communiqué au monde.
Dit autrement : toute représentation de quelque chose (c'est-à-dire tout discours) devient (est) autre chose dont elle parlait qu’elle représentait précédemment à l’instant de l’expérience qu’on en a eue, lorsqu’elle est communiquée, lorsqu’elle est mise au monde, lorsqu’elle est projetée dans le flux, dans le devenir. (Il faut bien saisir la différence entre représentation et présentation). Peu de philosophes ont réfléchi de manière radicale à cette différence.

Il faut alors réfléchir à la puissance de tout discours, (de toute représentation) lorsqu’il est communiqué au monde, lorsqu’il devient de fait, de manière effective, une nouvelle chose du monde. Il devient puissance de transformation du monde. Puissance de changement pour le monde. Puissance de changement ou puissance conservatrice.

Et même réfléchir au concept de puissance. Qu’est ce que la puissance ? En différentiant correctement cette puissance du sens qu’elle met en mouvement, et de la chose qui les emporte effectivement tous les deux (sens et puissance) dans le devenir.
Ce qu’on appelle puissance du langage, ou puissance d’une œuvre d’art par exemple, ou puissance d’une théorie mathématique, d’une hypothèse scientifique, puissance d’une opinion. Puissance d’une idée lorsque celle-ci est communiquée.

Une nouvelle question apparaît : comment se forme une représentation, comment se forme un discours, selon quel schéma, dans quelle condition ?

Emmanuel Kant a travaillé sur cette question, et nous a apporté des idées totalement nouvelles pour l’époque.

Nous arrivons alors aux notions kantiennes de schématisme transcendantal, de catégories, de concept purs de l’entendement qui permettent à l’homme d’avoir une expérience de ce que Kant appelle le divers intuitionné (C'est-à-dire le flux divers de tout ce qui nous arrive comme on a dit au début) et d’en constituer selon ces concepts purs de l’entendement une représentation unifiée.

Le divers de l’intuition, (ou ce que d’autres ont appelé la multiplicité) c'est-à-dire ce qui arrive jusqu’à nous en tant que réalités intuitionnées et diverses, est toujours selon Kant, représenté et donc unifié par nous, par notre entendement sous les concept d’espace et de temps. C'est-à-dire unifié, redonné, représenté en étant resitué sous ces concepts espace-temps.
Et c’est seulement par cette représentation unifiée sous les concepts de temps et d’espace que l’homme peut faire l’expérience de quelque chose.
Sinon selon Kant aucune expérience n’est possible ni aucune représentation. Voilà très résumé la théorie kantienne de la vérité fondée sur la raison humaine et ses catégories pures de l’entendement qui œuvrent sous les concepts transcendantaux d’espace et de temps.

Mais quel est le rapport entre ce processus de représentation, processus unifiant, et la vérité. Ou encore quel est le rapport entre ce processus de l’expérience et la chose dont on fait l’expérience.
Quelle est la nature de la chose telle qu’elle se montre ?
On a toujours cette seconde question qui reste en suspens : qu’est ce qu’une chose ? Qu’est-ce que la réalité ?

Pour Kant une chose telle qu’elle se montre est inabordable en elle-même. On peut même se poser la question de son existence propre, car vous avez bien compris que dans la perspective kantienne, la réalité est construite par l’homme sous les concepts de la raison pure.
Et si il y a une vérité propre des choses, celle-ci est inabordable.

D’autres philosophes iront jusqu’à dire qu’il n’y a pas de vérité dans les choses. Que tout est construit par nous dans le cadre d’un jugement, d’un discours, d’une hypothèse…
On voit la position centrale de l’homme par rapport à cette conception de la vérité. L’homme est celui qui donne du sens aux choses, qui construit la vérité à l’occasion d’une réalité diverse (multiple) qu’il intuitionne.

La question fondamentale de la vérité considérée comme adéquation (approche) entre une chose et son discours si on s’intéresse à la façon dont un discours se construit, pose la question de la vérité elle-même.

Car dans bien des cas, le discours lorsqu’il devient doxa unifiée, devient vérité et conformité à laquelle nous devons justement nous conformer. Vérité apprise et à laquelle nous devons nous conformer. Voilà une puissance singulière de la doxa. Marx a appelé cela : l’idéologie dominante, qui est toujours l’idéologie de ceux qui dominent.

Vous voyez dès qu’on réfléchit on est embarqué dans une suite indéfinie de questions. Et à chaque étape d’autres questions arrivent. C’est le propre d’une démarche philosophique qui peut nous emmener très loin et très longtemps. Pour moi c’est passionnant et dans mes textes c’est un peu vers ce voyage que je souhaite emmener le lecteur.

Dans le deuxième volume intitulé Discours et vérité, j’essaye de répondre à cette question du rapport entre discours et vérité.

2) Mais le mot vérité peut aussi revêtir d’autres sens que celui d’une adéquation entre un discours et une chose, un discours et la réalité, ou entre un discours et un évènement, un phénomène ou encore une situation.
En Grec vérité se dit alètheia. Ce mot alètheia est composé du privatif a, et du mot léthé.
Le léthé c’est quoi : c’est l’oubli. (Le fleuve grec léthé c’est le fleuve de l’oubli). On a tiré par exemple le mot léthargie ou létal de léthé.

Donc en Grec la vérité (qui se dit alètheia) c’est ce qui est sans oubli. Il y a deux négations dans ce mot : le a privatif, et le l’oubli. Deux privatifs, car l’oubli est bien une privation de quelque chose, une privation de connaissances. Deux négations ça fait du positif. Moins par moins égale plus.

Qu’est ce que cette conception de la vérité (sans oubli) sous entend ? : Que la vérité est cachée dans la chose qui se montre. (vous voyez qu’on revient à l’essence que cache l’accident, l’essence que cache l’existence comme accident)
Cela veut dire que la chose cache la vérité qui se dévoile du sein de la chose. C’est aussi l’idée que la vérité éclot de cette même chose.
La vérité pour l’homme grec qui est un navigateur infatigable, c’est ce qui apparaît à l’horizon comme le soleil apparaît un matin brumeux devant la proue du bateau.
Cette conception est dualiste et aussi dialectique. (dualité entre vérité et chose, vérité et évènement, vérité et réalité). C’est en fait aussi cette conception qui a traversé toute la philosophie et même pour partie la religion.

Quelle sera la position de l’homme par rapport à cette conception de la vérité comme ce qui est dévoilée : l’homme est celui qui dévoile la vérité, qui la fait apparaître, qui la décèle. Tous les romans policiers sont fondés sur cette conception de la vérité cachée que l’enquêteur finit pas nous faire découvrir.
La position de l’homme est donc également centrale, comme elle l’était déjà dans la précédente conception de la vérité (veritas) en tant qu’adéquation ou conformité.

L’homme fait apparaître la vérité par la parole, par la pensée, par son travail de fouille.
Mais cette conception (et cela est important) sous entend aussi que le lieu d’apparition se trouve dans la chose. Donc plus que dans la conception kantienne, on donne un statut à la chose comme lieu et temps d’apparition de la vérité.
Le lieu (c’est-à-dire l’espace, le temps et la chose) sont à la fois ce qui cache et ce qui permet à la vérité d’advenir. Et cette vérité advenue sera décelée par l’homme.

Vous voyez on n’est plus dans le domaine de la représentation ou du discours, mais on est dans celui du décèlement, de la mise à jour puis de la garde et de la conservation. Voilà résumé encore très vite, la pensée du philosophe allemand Heidegger. Décèlement, mise à jour et garde qui adviennent par l’homme. Décèlement et mise à jour qui sont des luttes que l’homme mène contre l’opacité, contre l’oubli.
Cette conception est dualiste, dialectique et aussi guerrière, elle ne peut envisager la chose que comme quelque chose d’opaque, de sombre qui cache l’essentiel et au sein de laquelle est tombée la vérité. C’est la conception de Platon, celle qu’il exprime très bien dans le mythe de la caverne.

Mais pas toujours.

3) Car alètheia peut aussi se traduire par course divine. Dans cette conception ou cette traduction du mot vérité (grec alètheia (alè-théia) comme course divine) Dieu ou la vérité, ou encore le sens ne se cache pas, mais se manifeste à travers la course des choses, se manifeste grâce à ce qui se passe, ce qui advient, ce qui devient.
Dans ce cas la vérité ne se cache pas, n’aime pas à se cacher comme l’écrivait Héraclite, mais au contraire se manifeste par les choses, grâce aux choses et à leur course. Dieu dans ce cas n’est pas un sadique, il ne nous trompe pas, n’aime pas à nous tromper. Mais au contraire se montre en chaque chose.
Pour celui qui ne croit pas en la divinité, cela veut tout simplement dire que le sens ou la vérité des choses, ou la vérité de l’évènement se montre dans chaque chose, dans chaque évènement, dans chaque situation. Elle n’est donc pas cachée, et la tâche de l’homme ne sera pas de la déceler : mais elle est au contraire manifestée par l’évènement, par la situation, par la chose.

Qu’est-ce que la vérité dans ce cas : c’est ce qui se montre à chaque instant.
En Anglais le mot vérité se dit truth. Ce truth provient de tree. L’arbre. Qu’est ce qu’un arbre : c’est ce qui est là, ce qui est présent, solide et sur lequel on peut s’appuyer, on peut avoir confiance. Ce qui ne trompe pas, ne ment pas. Ce qui n’est pas caché. Voilà ce que veut dire truth. Qui est aussi en définitive bien éloigné de véritas comme adéquation, conformité d’un discours et au final discours conforme à une doxa.
Truth dans son sens étymologique est également bien éloigné d’alethéia en tant que ce qui est sans oubli et qui était caché.
En hébreu on trouve la même signification dans le mot emet, qui a donné amen. Amen, amen en vérité. Amen, c’est ce sur quoi on peut s’appuyer, qui est solide comme le rocher. Comme le roc sur lequel on s’appuie.
Voilà donc une troisième possibilité pour le mot vérité. Vérité en tant que ce qui est solide et qui se manifeste, qui est toujours ouvert et donné toujours en présent dans chaque chose.

On est alors loin de la vérité comme représentation. Mais on est dans la présentation, dans le présent, dans l’instant de la chose ou de l’évènement donné.

La question qui est alors posée est celle-ci : l’homme dont nous parlons est-il en capacité d’entendre la vérité manifestée, de la recevoir ?
La position de l’homme devient alors bien différente. L’homme n’est plus central, il ne donne pas la vérité, il ne donne pas le sens aux choses, il n’est pas non plus celui qui la découvre, la fait advenir contre une opacité, mais il l’entend à travers les choses qui la manifestent à chaque instant.
La question de l’écoute est posée à cet instant. L’écoute du monde, l’écoute de toute chose, l’écoute de l’autre homme. La question de l’écoute et bien entendu de la surdité.

Nous pensons justement qu’une des caractéristiques essentielles de l’homme est cette capacité d’écoute, capacité d’entendre, écoute du sens donné par toute chose à chaque instant. Alors pourquoi l’homme est-il sourd au sens qui se manifeste pourtant à chaque instant ?

Voilà pour moi où se situe la philosophie : dans cette capacité d’entente du sens, ou encore de la vérité que chaque chose montre, manifeste à chaque instant.
Et la philosophie ne situe pas dans la capacité de jugement, dans la capacité de construire un discours qui sera toujours seconde, ni dans la tentative de représentation de la chose telle qu’elle s’est présentée selon un point de vue particulier. Ni dans la capacité de décèlement d’une vérité cachée dans l’opacité des choses.

Vous voyez à travers une simple façon de traduire le mot vérité, véritas, alétheia, amen ou truth : on a trois conceptions du monde bien différentes.

On pourrait penser qu’il s’agit d’un simple amusement, d’un jeu sur les mots, d’un exercice purement gratuit. Une distraction d’un samedi soir entre amis. Mais en fait non. Car de ces différentes conceptions du mot vérité : c’est notre positionnement dans le monde qui est en jeu. Positionnement dans le monde et positionnement avec autrui. Positionnement de chacun d’entre nous.


François Baudin 

jeudi 23 octobre 2014

Le libre marché : un renard libre dans un poulailler libre



La semaine dernière, l’annonce du prix Nobel d’économie à Jean Tirole a donné un peu de baume au cœur à la France. Après le prix Nobel de littérature accordé à l’écrivain français Patrick Modiano la semaine d’avant, c’est un nouveau rayon de soleil qui a éclairé pendant une quinzaine de jours une France en proie à une déprime persistante.
Enfin quelque chose de positif pouvait nous être accordé. Par ces deux prix, le monde reconnaît que notre pays compte parmi ses chercheurs et ses hommes de lettres des personnalités susceptibles d’obtenir la plus grande des récompenses.
                                                                                     
Mais au fond que signifie ce prix donné à Jean Tirole par la Banque de Suède chargée du Nobel d’économie ?

Jean Tirole est un mathématicien, spécialiste de la micro économie. Il est spécialiste aussi de la théorie des jeux lorsqu’un agent économique doit optimiser son action. Il est encore le spécialiste de la puissance du marché qui selon lui doit être régulé  avec prudence par la puissance publique. De fait Jean Tirole est un économiste libéral dans la plus pure tradition classique.

Le fait que cet économiste soit en même temps mathématicien nous montre bien la tendance actuelle de plus en forte de résumer l’économie à des phénomènes naturels, on pourrait presque dire physiques, dont on peut faire la théorie scientifique et mathématique. Selon la plupart de ces chercheurs qui dominent actuellement la pensée économique mondiale, il faut laisser faire la nature, il faut laisser faire la loi du marché qui finit toujours, par paliers successifs, c'est-à-dire grâce aux découvertes techniques successives comme aujourd’hui la révolution numérique, par trouver son équilibre et donner du bonheur à tout le monde.

Résumer l’économie à un jeu libre et naturel d’acteurs dont on peut faire les équations mathématiques, c’est oublier l’essentiel de l’économie. C’est oublier que l’économie est une création humaine qui n’obéit en propre à aucune loi, sauf celle que l’homme lui donne collectivement et de manière libre.
Livrer l’économie à la pure loi du marché qui lui serait en quelque sorte extérieure et transcendantale, dont quelques scientifiques et mathématiciens prétendent nous découvrir les règles, c’est livrer notre vie quotidienne aux puissances d’argent de ce monde. Et dans ce cas la liberté est toujours celle du renard dans le poulailler.

Penser a priori que l’économie obéit à cette loi du marché naturelle ou divinisée, c’est oublier que c’est l’économie qui est au service de l’homme et non l’homme au service de l’économie.

Or aujourd’hui on observe que donner tout le pouvoir à un marché comme si c’était la seule voie de salut possible, nous conduit à de très grandes difficultés : marchandisation complète de toute la création, destruction de notre environnement, pauvreté et chômage de masse…

On dit que Jean Tirole est l’économiste français qui a l’oreille des Princes qui nous gouvernent.
Laisser le pouvoir de décisions et donner trop d’influence à ce type d’expert c’est renoncer à la démocratie, c’est même renoncer à toute forme de civilisation dont le degré ne se mesure pas au taux de profits, à la rentabilité ou aux cotations boursières, mais dont le degré se mesure principalement à l'attention que l’homme porte aux plus faibles : aux malades, aux personnes âgées, aux enfants, aux détenus, aux chômeurs, aux réfugiés et aux immigrés…
Et le sens de l’économie, son principal objectif, devrait être d’améliorer les conditions de vie de la communauté humaine que nous constituons.


François Baudin 

vendredi 17 octobre 2014

L’ONU et la France face au terrorisme



Toutes les nations assemblées au sein de l’ONU doivent s’unir pour stopper le terrorisme international, impitoyable dans sa barbarie.
L’ONU doit tout faire pour se donner les moyens lui permettant de renforcer la paix et la sécurité internationale, les droits de l’homme et le développement.
Hélas aujourd’hui on peut légitimement se demander si la coalition mise en place sous l’égide des Etats-Unis dont la France fait partie, n’est pas en train de se substituer à ce qui devrait être la mission principale des Nations Unies, retirant ainsi toute légitimité internationale à la guerre que les grandes puissances tentent de mener contre le terrorisme qui connaît actuellement  une escalade alarmante.
Cette lutte exige une étude plus approfondie et plus urgente sur la façon de renforcer le cadre juridique international.
Elle exige aussi que les nations occidentales prennent conscience et analysent leur propre responsabilité, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 qui se sont soldées par l’intervention militaire illégale en Irak en 2003, jetant cette région du monde dans un terrible chaos. Et enfin, et il faudra toujours le rappeler, le fait d’avoir soutenu, financé et armé la rébellion syrienne islamique contre la dictature de Bachar el Assad, comme le fait d’être intervenu en Libye en faisant fi de la résolution de l’ONU, nous a mené là où nous en sommes aujourd’hui. Les grandes puissances ont soutenu, financé et armé un monstre qui montre sa véritable nature.

Des principes humains fondamentaux sont en jeu en Irak, en Syrie et en Libye. Seul l’ONU devrait être autorisée à garantir la protection des populations du monde. Et si les grandes puissances interviennent, celles-ci ne peuvent le faire qu’en y étant autorisées et mandatées par les moyens juridiques prévus dans la charte de l’ONU.
Il est urgent de mettre fin aux guerres actuelles au Proche et au Moyen orient. De mettre fin aux souffrances et aux drames. Et s’il il y a actuellement une nécessité impérieuse d’intervenir contre ce pseudo « Etat Islamique » auto proclamé, cette intervention ne peut être que le fait des Nations Unies.

Cette semaine en France, un projet de loi de « lutte contre le terrorisme » a été examiné au Sénat. Selon le ministre de l’intérieur le nombre de Français engagés dans les groupes terroristes a augmenté de 82% depuis le début de l’année. Un millier de Français seraient concernés, dont un peu moins de 400 qui auraient déjà rejoints les rangs des terroristes en Syrie et en Irak. Là bas on décapite dans la rue, on crucifie des hommes et des femmes, on torture des enfants. Face à cette réalité l’objectif de la loi est d’empêcher les départs en créant un délit d’entreprise terroriste individuelle.
Il est tout d’abord nécessaire de rappeler que cette initiative du gouvernement doit être cadrée du point de vue des libertés individuelles qu’il faut à tout prix préserver et non pas supprimer au nom de la sécurité.
Ensuite il faut aussi rappeler qu’actuellement 700 jeunes français sont engagés dans l’armée israélienne. Cette armée d’occupation a commis cet été des crimes de guerre à Gaza. Plus de 2000 civils palestiniens dont une très grand nombre d’enfants, ont été tués en juillet et août 2014. Or personne en France ne s’émeut de savoir qu’il y avait de nombreux jeunes français  parmi ces soldats israéliens.
L’émotion légitime suscitée par le départ de Français vers la Syrie ou l’Irak où des crimes sont commis quotidiennement, ne peut pas être une émotion à sens unique.
Les jeunes soldats de l’armée israélienne qui reviennent de leur campagne militaire à Gaza ne peuvent pas recevoir les honneurs de la République françaises alors que d’autres jeunes, fanatisés eux aussi, iront en prison.
C’est par un tel deux poids deux mesures que nous renforçons le sentiment d’injustice parmi de nombreux Français, sentiment qui explique en partie leur fanatisme
François Baudin

jeudi 2 octobre 2014

L’annonce d’un nouveau printemps à Hong Kong ?

Ce que les peuples du monde entier avaient salué au moment du printemps arabe, en Egypte comme en Tunisie, c’était l’irruption dans l’histoire de l’universalité.

Enfin un mouvement émergeait des profondeurs démocratiques des peuples pour apparaître sur le devant de la scène de l’histoire du monde.
A partir de décembre 2010, et des mois durant, des millions de gens, hommes et femmes confondus, jeunes et plus âgés, étaient descendus dans les rues et sur les places des grandes villes du bassin méditerranéen, pour dire leur détestation d’un système dictatorial qui régnait depuis des décennies sur tous les pays de la région, et étouffait depuis si longtemps toute volonté populaire de s’exprimer.
Les revendications étaient claires pour tout le monde : plus de liberté, plus de démocratie, plus de droits, plus de dignité, plus de justice. Voilà ce qu’exigeaient ces mouvements qu’on avait qualifiés du beau nom de « Printemps arabe » que personne n’avait prévu. Voilà aussi en quoi consiste l’universalité de ces mouvements puissants.

Les manifestants se retrouvèrent si nombreux dans les rues que rien ni personne ne pouvait empêcher l’avènement d’un monde meilleur pour lequel ils s’étaient mobilisés en bravant courageusement et souvent au péril de leur vie, les interdits et la domination de quelques uns. C’était une déferlante irrésistible. Enfin l’Histoire avec un grand H allait balayer la banalité quotidienne et terrible des dictatures en place qui ne pouvaient plus tenir.

Mais le printemps des peuples arabes allait rapidement se transformer en hiver islamique.
Nous ne sommes toujours pas sortis de cet hiver, si on observe ce qui se passe un peu partout, depuis la Kabylie jusqu’en Irak.
Et si l’Egypte a su se débarrasser de ces usurpateurs islamiques, c’est pour revenir à la case départ, comme une révolution galiléenne qui telle une orbite céleste revient vers son point initial : Aujourd’hui la dictature d’Al Sissi en Egypte est pire que celle de Moubarak qui avait été chassé par la Place Tahrir en 2011. Mais l’histoire n’est pas finie.

Cette semaine le régime politique que les peuples souhaitent à nouveau défier est encore plus puissant, puisqu’il s’agit de la première puissance mondiale. La Chine.
Un nouveau printemps des peuples est-il annoncé ? Viendra-t-il de l’Orient lointain ?
Viendra-t-il de Hong Kong où des milliers et des milliers de citoyens défient la plus grande dictature du monde, en restant, de Central à Admiralty, tranquillement étendus sur le sol, allongés sur les places, occupant les rues et les entrées des gratte-ciel où règnent l’ordre financier mondialisé placé sous la protection de l’armée chinoise. Et comme en Chine tout se résume à des images et des douces métaphores, on appelle ce mouvement : la révolution des parapluies ou la révolution des ombrelles.

Les manifestants de Hong Kong pétrifient le pouvoir de Pékin ; ils affolent les marchés financiers qui dans cette ancienne colonie britannique fait battre depuis toujours son cœur de pierre. Ils affolent les maîtres du monde.
Que veulent-ils exactement ? un Etat de droit, le suffrage universel, plus de liberté, des réformes politiques.
Le pouvoir à Pékin reste muet. La Cité interdite est silencieuse.
L’Histoire (avec un grand H) semble a nouveau s’être mise en marche.

Est-ce que les fragiles ombrelles bonnes à protéger de la pluie et du soleil, réussiront à ébranler le régime si puissant de Pékin ?

François Baudin 

jeudi 25 septembre 2014

La crise écologique est le symptôme de notre vision du monde.


Cette semaine les dirigeants du monde se sont réunis dans l’enceinte de l’ONU pour affirmer une fois de plus leur volonté d’aboutir à un accord permettant de contenir le réchauffement climatique à deux degrés d’ici la fin du siècle en limitant les émissions de gaz à effet de serre.

Est-ce possible ?
On peut en douter, et répondre non ce n’est pas possible de contenir le réchauffement climatique si on continue dans la voie qui nous est imposée depuis tant de décennies. Cette voie est celle de la recherche du profit maximum et immédiat, celle de l’exploitation à outrance des bienfaits de la nature, celle où l’égoïsme triomphe. Les forces du marché qui dominent actuellement le monde sont bien les dernières à pouvoir résoudre le réchauffement climatique, la misère, les guerres, l'exclusion, car d’une certaine façon ce sont elles qui en sont les premières responsables.

Pour voir cet état des choses changer dans le bon sens, une nouvelle vision du monde est nécessaire. Vision qui ne soit plus fondée sur la concurrence de tous contre tous, vision qui ne conçoit plus la nature et l’homme comme des moyens, mais comme une fin.
Lutter contre le réchauffement climatique est « une question de justice et de respect », une question qui doit provoquer « une révision profonde des modes de vie ».
Il y a un lien entre respect de l'environnement et respect de l’homme. Les deux se conditionnent mutuellement.

La crise écologique est bien le symptôme d’une conception de l’homme qui domine actuellement le monde.
Cette question est éminemment morale avant d’être scientifique et économique. Cette question est d’autant plus morale que la crise écologique touche plus particulièrement les plus pauvres parmi nous. Lutter contre le réchauffement climatique est donc avant tout une « question de justice et d'équité, une question qui doit réveiller les consciences ».

Si la communauté internationale est aujourd’hui obligée d’agir, cette action ne doit pas être que technique et scientifique. Mais elle doit être avant tout morale. Car c’est bien l’homme qui a le devoir de protéger la nature, de protéger la création et aussi le devoir de se protéger lui-même contre ce qui le domine : la recherche d’un gain maximum, une exploitation à outrance pour le plus grand profit de quelques uns de ce qui a été donné gratuitement à tous et que l’on doit partager.
L’homme a la responsabilité de protéger l’homme et la création pour le bien des générations actuelles et futures.

La mondialisation qui permet de prendre conscience de l’interdépendance de la famille humaine, doit nous aider à comprendre l’universel.
Mais la mondialisation, telle qu’elle est mise en œuvre aujourd’hui, aboutit à la domination de quelques uns sur l’ensemble de l’humanité avec toutes les conséquences néfastes que nous connaissons : crise écologique, guerres, déséquilibre entre les nations, famines qui persistent, etc, etc.
Le système mondialisé actuel mène à de grandes catastrophes écologiques et humaines. Il n’est pas viable.

Paul VI déclarait en 1972 « Nul ne peut s'approprier de façon absolue et égoïste le milieu ambiant qui n'est pas la propriété de personne, mais un patrimoine de l'humanité. [...]. Puis il ajoutait : « Vous saurez joindre à la recherche de l'équilibre écologique celle d'un juste équilibre de prospérité entre les centres du monde industrialisé et leur immense périphérie. La misère, a-t-on dit très justement, est la pire des pollutions ».

François Baudin


vendredi 19 septembre 2014

Démocratie et confiance



Nous vivons en démocratie, oui mais cette démocratie est de basse intensité.
La démocratie se caractérise par la délégation de souveraineté. Au moment du suffrage, le peuple délègue sa puissance à des élus qui le représentent.
Le mandat donné pour un temps doit être le plus clair possible ; voilà pourquoi c’est le plus souvent sur la base d’un programme qu’un homme est élu.
L’espoir porté par toutes élections se concrétise ensuite par la mise en œuvre du programme pour lequel un homme a été élu.
La chose est relativement simple et juste si l’élu respecte ses engagements.

Or il apparaît maintenant qu’en déléguant sa puissance, le peuple a cette terrible impression d’être le plus souvent trompé.
Lorsqu’on trompe quelqu’un, la confiance disparaît.

C’est un peu cette leçon qu’il nous faut tirer de la triste histoire conjugale entre Madame Trierweiller et le président de la République ; histoire intime qui a rebondi ces derniers jours à l’occasion de la parution d’un livre de vengeance écrit par une femme trahie et répudiée.
La trahison entraîne la perte de confiance qui mène ensuite au ressentiment puis à la vengeance et parfois au drame. Cette histoire intime qui n’a rien de vaudevillesque, symbolise à elle seule de manière évidente le processus dramatique que la France vit actuellement.

Engagements non tenus, inversion et perversion des valeurs pour lesquelles un homme a été élu, trahison de l’espoir porté par une partie du peuple, désespoir, perte de confiance.
Ce processus ira-t-il jusqu’au drame, jusqu’à une crise de régime comme le prévoient certains commentateurs de la vie politique, c'est-à-dire vers une crise de notre système démocratique ?
Nul ne peut le dire aujourd’hui, mais il est certain que la confiance est définitivement perdue. Et cette perte s’étend actuellement à l’ensemble des hommes politiques. Elle s’étend car il est révélé quotidiennement que le peuple en déléguant sa puissance à des professionnels de la politique, la délègue aussi à des ambitieux, des corrompus, des escrocs, des menteurs.

Confiance, ce mot est devenu le mot clé de la semaine écoulée. Vote de confiance à l’Assemblée, vote dont on était sûr du résultat ; conférence de presse aux allures monarchiques d’un président venu justifier ses manquements, et à l’occasion nous annoncer que nous partions en guerre en Irak, sans mandant international légitime et sans même avoir consulté le Parlement.
Pour le président, l’objectif n’était-il pas de retrouver un peu de confiance vis-à-vis de ses concitoyens.
Est-ce trop tard ?

Parce qu’il avait trahi les idéaux démocratiques de la Révolution française, l’empereur Napoléon avait été qualifié d’homme sans nom par le philosophe allemand Johann Gottlieb Fichte. Devrons nous un jour appeler François Hollande l’homme sans nom, c'est-à-dire rien, peu de chose du point de vue de la probité intellectuelle mais beaucoup relativement aux promesses non tenues, aux idéaux trahis. Les mots creux utilisés ne peuvent pas remplir le vide créé et répondre à la perte de confiance que le président a lui-même produit.

Vouloir faire de la politique, vouloir être le représentant du peuple signifie avoir le souci de l’intérêt général, le souci de l’humanité.

François Baudin