vendredi 3 mars 2017

Les masques tombent


Qu’est-ce qui se cache sous le masque ? Quand les masques tombent, non seulement la surprise est au rendez-vous, mais aussi une potentialité de violence inouïe.
Si on considère que la démocratie parlementaire représentative est un jeu qui ressemble au théâtre dont l’hémicycle et l'Elysée seraient les scènes ; et si on pense que les élections sont les moments qui viennent scander la pièce qui se joue : alors, oui, ce que nous vivons aujourd’hui ressemblent fortement à l’instant où un acteur principal se dévoile tel qu’il est, tel qu’il a toujours été depuis le début de l’intrigue : un homme qui faisait semblant d’être ce qu’il n’est pas en réalité.
Le masque tombe et soudain la réalité est dévoilée. Elle est celle d’un visage inconnu, mais qu’on redoutait tout de même depuis le début. L’effet sur le spectateur est brutal, la violence du réel que rien ne peut arrêter nous pétrifie. La comédie se transforme en tragédie, celle que l’histoire quitte rarement. Et nul ne sait comment tout cela finira.

Le vrai personnage dévoilé, démasqué ne sait plus comment faire. Il gesticule, il se plaint, il pleure, il en appelle à ses proches. Il crie vengeance. Il est prêt à tout pour sauver sa face. Il est littéralement confondu devant nous.
Alors l’auteur de la pièce lui fait dire de grands mots pour donner le change. Démocratie, peuple souverain, guerre civile, complot, justice immanente. D'une certaine façon les mêmes mots  qu’il disait auparavant, lorsque sa grandeur était immense. Lorsque pour se distinguer des autres qui nous étaient déjà connus sous leur masque, il évoquait les références morales, la statue du commandeur ; celle de De Gaulle par exemple, celui qui surveille de sa hauteur le déroulement du scénario. Et qui reste toujours là présent dans son absence, car c’est lui qui a donné le cadre global de l’acte qui se joue.

Pour le personnage démasqué, évoquer la statue du commandeur n’est plus de mise une fois le masque tombé. Il faut chercher plus loin, plus haut : Il ne se rendra pas. Il en appelle au peuple et à sa souveraineté volée.
L’idéologie devient un montage imaginaire, elle n’est plus qu’un discours qui peine maintenant à représenter un réel qui échappe. Un réel plus fort que tout théâtre. Mais la violence du réel est d’autant plus grande que le théâtre en est l’écart représenté.

Plus personne ne croit à ce qui nous est dit. On n’a qu’une envie : c’est que le personnage disparaisse de la scène, qu’il se couvre de cendres, rejoigne son manoir et y fasse pénitence avec sa Pénélope.

Parce que le masque est tombé pour l’un d’entre eux, parce que nous ne sommes plus des ignorants, la pièce pourrait se terminer. Maintenant nous savons que tout cela n’était qu’un jeu.
Le réel nu, la vérité nue, se donne par le masque. Le semblant est le principe même du réel. Alors soudain une nouvelle question nous taraude : qu’en est-il des autres personnages ? Ne sont-ils pas eux aussi que des masques ? Est-ce leur vérité de mentir ?

La force de cette pièce dont nous sommes encore les spectateurs impuissants devient insupportable car sa violence tragique porte en elle le pire comme le meilleur.
Une envie soudaine de monter sur la scène nous saisit.

Le dévoilement doit se poursuivre, notre liberté y est en jeu.
François Baudin 

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