Traduction d'un texte de Craig Murray, ancien ambassadeur britannique et
membre de l’équipe Wikileaks, au sujet de l’inculpation purement politique de Julian
Assange,
Chelsea Manning et Julian Assange sont maintenant en prison tous les deux.
On leur reproche à tous deux des infractions en lien avec la publication
d’éléments révélant des crimes de guerre commis par les États-Unis en
Afghanistan et en Irak ; ils ne sont accusés de rien d’autre. Quel que
soit les mensonges que les politiciens ou les médias dominants essaieront de
vous faire avaler, c’est cela la vérité. Manning et Assange sont d’authentiques
héros de notre temps et c'est pour cela qu'on leur impose milles
souffrances.
Si un opposant politique russe avait été enmené sans ménagement par des
policiers armés, puis inculpé trois heures plus tard pour un motif politique
par un juge manifestement soumis au pouvoir politique, sans aucun jugement
contradictoire, avec une longue incarcération à la clef, vous imaginez la
réaction des médias occidentaux devant un tel fonctionnement de la
justice ? Et pourtant, c’est exactement ce qui vient de se passer à
Londres avec Assange.
Michael Snow, juge de district, est la honte de la magistrature. Il a
manifesté ouvertement des préjugés sans fondement contre Assange la semaine
dernière, au cours des 15 minutes qu’il lui a fallu pour entendre l’affaire et
déclarer Assange coupable. À côté de cette mascarade grotesque, les tribunaux
de dictateurs auxquels j’ai assisté personnellement, dans le Nigéria de Ibrahim
Babandiga ou l’Ouzbekistan de Isam Karimov, étaient des modèles de modération,
de justice et de raison.
Un moment clef de ces quinze minutes témoigne de l'iniquité du comportement
du juge dont Assange a fait l’objet . Pendant la brève procédure, Julian
Assange n’a pris la parole que pour dire « non coupable » deux fois,
et pour poser une question brève sur la raison pour laquelle l’accusation avait
changé de nature à mi-chemin de ce soi-disant « procès ». Et
pourtant, le juge Michael Snow l’a accusé de « narcissisme ». Rien de
ce qui s’est passé au cours de l’audience ne pouvait donner le moindre raison
de le penser, c’était manifestement une idée qu’il avait apportée avec lui,
qu’il avait lue dans les médias dominants ou entendu à son club. C’était, en
fait, la définition même d’un préjugé, et le raccourci qu’a fait ce
« juge » est une honte absolue.
Je fais partie de l’équipe de Wikileaks et de l’équipe juridique et nous
tous, Julian y compris, sommes galvanisés plutôt qu’abattus. Au moins, les
soi-disant libéraux ne se cachent plus derrière des allégations suédoises
absurdes ou des questions de rupture de libération sous caution. Le véritable
mobile, la vengeance pour les révélations de Chelsea Manning, est maintenant
sur la table.
Soutenir la persécution d’Assange dans ces circonstances, c’est soutenir la
censure absolue du net par l’État. C’est soutenir le fait que tout journaliste
qui reçoit et publie des documents officiels révélant des actes répréhensibles
du gouvernement US peut être puni. De plus, cette procédure traduit un boost
stupéfiant de la notion de juridiction universelle. Assange n’était pas aux
États-Unis quand il a publié les documents, mais les tribunaux US se déclarent
compétents. Il y a là une menace pour la presse et la liberté du net dans le
monde entier.
Nous vivons une époque inquiétante. Peut-être aussi la plus inspirante de
toutes les époques.
Craig Murray est auteur, homme des médias et militant des droits humains.
Il a été ambassadeur britannique en Ouzbekistan de 2002 à 2004 et Recteur de
l’Université de Dundee de 2007 à 2010. Cet article a aussi été publié sur son site.
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