mardi 27 mai 2014

Démocratisons la démocratie





Une sorte de raz de marrée nous a submergé lundi dernier au lendemain des élections européennes. Tous les titres des journaux français et d’une partie des journaux étrangers, ont affiché en page Une le portrait de Marine Le Pen, visage éclatant, bras ouverts, souriante et victorieuse. Son parti a gagné les élections. Il est devenu en une journée le premier parti politique de France.
Un votant sur quatre, seul et enfermé dans son isoloir, a choisi de glisser un bulletin du Front National dans l’enveloppe.

L’ensemble de la Presse a reproduit le même titre ; Pas tous cependant car le journal La Croix n’a pas succombé à cette tentation. La Croix a imprimé sur sa page Une le Pape François priant devant le mur qui enferme les Palestiniens dans la plus grande prison du monde.
Il y avait de la part du journal chrétien comme un défi face à l’actualité journalistique. Peut-être y avait-il une volonté de ne pas crier avec les loups ?

On a expliqué à longueur de colonnes les raisons qui ont produit le vote de dimanche dernier : la crise, le chômage de masse, la misère, l’austérité, les promesse non tenues, l’injustice, le sentiment d’être considéré comme quantité négligeable, les scandales à répétition, les détournements d’argent public par les hommes politiques,.. toutes ces informations quotidiennes qui dès lundi ont poursuivi leur travail de sape dans l’opinion.

Et parmi les candidats, Marine Le Pen avec ses colistiers, est apparue au plus grand nombre comme la seule capable de trouver les remèdes. Oui au plus grand nombre.

Mais nous avons tous appris que le nombre ne fait pas la vérité. On sait même que la vérité peut être minoritaire pendant longtemps avant d’apparaître comme évidente aux yeux de tous.
La vérité n’a rien à voir avec le nombre, elle peut même s’y opposer. L’histoire nous l’apprend chaque jour.

La vérité et même le droit et la justice ne se trouvent pas dans la tyrannie du nombre ; elle n’est pas la tyrannie de l’opinion, celle de la majorité à un instant donné.

La question de la démocratie dont l’unique forme actuelle proposée se situe dans le système électoral majoritaire nous est soudainement posée par le résultat de ce vote.
La même question traverse aussi l’Ukraine dont la partie Est a voté massivement lors d’un référendum pour une séparation d’avec Kiev et un rapprochement avec la Russie, alors que la partie Ouest vient d’élire cette semaine un président qui souhaite un rapprochement avec l’Europe. Cette situation issue des urnes nous mène droit vers la guerre civile.
La même question se pose encore cette semaine suite à l’élection annoncée du nouveau président égyptien Al-Sissi, ancien bras droit de Moubarak qui fut pourtant chassé par les manifestants de la Place Tahrir en 2011. N’oublions pas que la révolution égyptienne se solda lors d’une première phase électorale par l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans qui n’étaient pourtant pas partie prenante dans ce qui a été nommé le Printemps arabe.

La démocratie dans son sens premier signifie le pouvoir du peuple. La question aujourd’hui qu’il est légitime de se poser est bien celle du système électoral proposé dans le monde entier. Est-il à même de garantir au peuple la liberté, la justice, la paix ?
Ce système n’est-il pas en définitive le signe d’une démocratie de basse intensité qui de fait nous empêche de penser ?
Ne faudrait-il pas démocratiser la démocratie ? La renforcer par une plus grande participation des citoyens aux décisions. Une forme nouvelle de démocratie reste à inventer. Tel est bien le défi actuel qui est posé au monde entier.

François Baudin

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